30 ans de didactique du corse dans l’enseignement primaire : Etat des lieux dans l’Académie de Corse. Intervention de Rose-Marie Ottavi – jurnée FELCO du 19-11-2011

Nòta de la FELCO 9-02-2018 : La FELCO aviá convidat aquel jorn RM Ottavi e son espós Pasquale, e mai Saveriu Luciani, totes ensenhaires de còrse. Per l’ora, Saveriu Luciani es elegit a la CTC. Nos presentèt un diaporama que vaquí : 1111-19-saveriu luciani

Intervencion de Rose-Marie Ottavi

Rose-Marie Ottavi est née en 1955 à Sant’Andria di Cotone (Haute-Corse). Elle a été institutrice, directrice d’école, professeur des écoles. Engagée dans l’enseignement de la langue et culture corses depuis le début de sa carrière, elle a participé à l’expérience de corse intégré et pratiqué un enseignement bilingue dans sa classe dès 1982. Dans la logique de son  parcours de formation elle a passé un CAFIPEMF à option langues régionales avant d’occuper un poste de conseillère départementale Migrants à l’IUFM de Bastia (1990/2000). Nommée Conseillère pédagogique en langue régionale, elle a été actrice du développement de l’enseignement bilingue dans le 1er degré en tant que formatrice et chargée de la création et la mise en place des sites bilingues. Elle a assuré la formation et le suivi des enseignants du 1er degré et la coordination avec les collèges. Elle a  eu la responsabilité de l’organisation de l’enseignement des langues vivantes étrangères et des langues d’origine dans sa circonscription. Co-auteure d’un ouvrage didactique à destination des classes élémentaires du cycle 3 In cor di lingua publié par le CRDP en 2003.  Elle a également écrit 5 albums : Una cullana di stelle, U nulu fiuritu (adapté en catalan), U sumere è u porcu, A ghjallina chì vulia basgià a luna, A magacciula sdenticata. Notons que ces ouvrages édités par le CRDP de Corse, dans le cadre du contrat de plan Etat/CTC, sont distribués gratuitement dans les écoles de l’Académie. Son parcours personnel et sa triple expérience FLE/ LCC/ ELVE lui permettent d’étudier le développement de l’enseignement bilingue dans l’académie de Corse, du point de vue institutionnel et pédagogique. Elle considère que le bilinguisme constitue un palier vers le plurilinguisme et que, compte-tenu de la forte présence d’enfants d’origine immigrée, une offre éducative telle que celle qui se développe actuellement au plan local ne peut se faire que dans un esprit d’ouverture, de respect et de tolérance. Un fonctionnement visant à harmoniser l’enseignement des langues dans sa globalité est en effet porteur d’une dynamique spécifique favorable au plurilinguisme. Au lieu d’un modèle de juxtaposition et d’accumulation des connaissances dans les 2 langues, les équipes s’efforcent de construire la complémentarité entre les différentes composantes d’un parcours. Ceci est rendu possible par une stratégie d’enseignement et de construction des savoirs et par une volonté d’éducation aux langues et aux cultures.

Trente ans de didactique du corse dans l’enseignement primaire : Etat des lieux dans l’Académie de Corse.
I – Principes et fonctionnement de l’enseignement du Corse dans le premier degré.
a)  Quelques repères historiques (lois, décrets,circulaires)

  • C’est en 1974, plus de 20 ans après l’adoption de la loi Deixonne (1951), que la langue corse peut enfin être enseignée à l’école.
  • Son statut institutionnel  s’il s’intègre au même titre que les autres langues régionales, dans le dispositif des langues vivantes, tel que l’a prévu le plan de développement promu par jack Lang en 2001, il n’en dispose pas moins de certaines avancées spécifiques dans le cadre des statuts politiques consacrés à l’île en 1991 et 2002.
  • Ainsi la loi Joxe indique en 1991 que l’Assemblée territoriale adopte « un plan de développement de l’enseignement de la langue et culture corses, prévoyant  notamment les modalités d’insertion de cet enseignement dans le temps scolaire » (article 53, loi du 19 mai 1991,n°91-428) tandis que la loi de Janvier 2002, dans son article 7, stipule que « La langue corse est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal  des écoles maternelles et élémentaires de Corse (loi n° 2002-92,JO du 23 janvier 2002, cet article est inséré dans le Code de l’éducation sous la référence L312-11-1).
  • L’enseignement bilingue dans le système éducatif français a été introduit par les circulaires « Savary » en 1982 et « Bayrou » en 1995 : la première a permis l’expérience de corse intégré en 1986, la seconde le développement de quatre sites bilingues en Corse dès 1996. Les circulaires Lang en 2001 et 2002 ont confirmé et élargi cette dynamique.
  • Les sites relèvent d’une stratégie originale associant de façon étroite l’Etat et la Collectivité Territoriale de Corse à travers des Contrats de Plan Etat -Région d’une durée de 5 ans. Ainsi à titre d’exemple, les Orientations pour un plan de Développement de l’enseignement de la langue Corse, votées en 1997, prévoyaient  à la rentrée 2000 «  une généralisation de l’offre d’enseignement des trois heures dans le premier degré et la mise en place de la première année d’un cursus bilingue dans toutes les écoles maternelles puis à la rentrée 2002 la création d’au moins un site bilingue du premier degré par secteur de collège, soit au minimum 28 sites à raison de 4 à 5 sites par an» .
  • L’enseignement de la LCC s’inscrit dans les spécificités reconnues à la Collectivité Territoriale de Corse, qui bénéficiait déjà de compétences allant au-delà de ce que le législateur a concédé aux autres régions. (La loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002, article 7, et article L-312- 11-1 du Code de l’Education).
  • La Corse connaît donc aujourd’hui une situation particulière au sein du système éducatif,  parce que la langue corse y est reconnue, depuis la loi de janvier 2002, comme discipline obligatoire du cursus scolaire, de l’école maternelle à la terminale.
  • Dans le cadre de l’enseignement extensif  98% des élèves du primaire suivent au moins une heure trente  de corse par semaine. L’enseignement bilingue concerne environ 25% des élèves du primaire, 8% de ceux du secondaire et 5% de ceux du lycée.
  • En outre, le vote de l’Assemblée de Corse en faveur de la « généralisation progressive, à partir de l’école maternelle, d’une éducation bilingue », en juillet 2007, dans le cadre d’un plan de développement de la langue faisant une large place à l’extension de son usage au sein de la société, contribue à créer les conditions effectives du passage à une étape de standardisation, partielle mais réelle, de l’offre scolaire bilingue.

Or ces choix, établis au départ à partir d’une motivation identitaire, s’inscrivent à présent dans une dynamique linguistique décidée et voulue par l’union européenne de donner aux futurs adultes de l’Union la possibilité d’élaborer des valeurs communes à travers le développement de leurs compétences linguistiques et culturelles. La Corse se trouve ainsi placée en situation singulière, avec d’autres régions, puisqu’en effet l’enseignement bilingue s’y voit devenu, de fait, plurilingue. L’Assemblée territoriale, dans son plan, entérine cette nouvelle donne en définissant un objectif central : «Une dynamique du bilinguisme articulée à la stratégie européenne pour le plurilinguisme ».
L’intervention concerne la langue corse et plus particulièrementson enseignement dans le 1er degré. Elle dressera un état des lieux de la généralisation des 3 heures hebdomadaires, ainsi que de l’implantation de l’enseignement bilingue, puis examinera le chemin parcouru entre le début de l’expérience de corse intégré et la situation actuelle du terrain local. Après cette analyse de l’existant on tentera de tracer les perspectives de développement de cet enseignement, par rapport notamment au contenu de la convention liant l’Etat et la Collectivité Territoriale de Corse, pour la période allant de 2007 à 2013. Il s’agira de réaliser ainsi une sorte de carte d’identité de l’évolution de la langue corse à l’école en tentant de dégager les nouveaux enjeux de l’enseignement d’une langue régionale, ainsi que les récents obstacles rencontrés. Il s’agira de s’interroger également sur l’émergence d’un nouveau statut visant  au développement d’une langue locale dans un contexte européen et de tenter de discerner les nouveaux enjeux de cet enseignement en cours de mutation et de son évolution future afin de construire une citoyenneté à la fois identitaire et plurielle dans le cadre d’une éducation ouverte au plurilinguisme et à la diversité culturelle comme le préconise le dernier contrat de plan.
La première partie reviendra rapidement sur la dispositif académique d’enseignement de la langue corse dans le premier degré, ainsi que sur le développement de l’enseignement bilingue dans le Plan régional de Formation (Convention 2007-2013).
La seconde partie s’intéressera à la stratégie considérée par la Collectivité territoriale de Corse comme la plus rationnelle, à savoir : « S’appuyer sur un bilinguisme précoce français/corse pour parvenir au plurilinguisme. »
L’intervention se propose de recenser également les moyens et démarches didactiques  mis en oeuvre dans les écoles bilingues.

II- Dispositif académique d’enseignement de la langue corse dans le premier degré et Plan Régional de développement et de formation.

Au plan institutionnel, les dispositions visant à développer l’enseignement de la langue et culture corses s’inscrivent  comme nous l’avons déjà mentionné, dans un double cadre.

  • 1)    Celui du Contrat de Plan entre l’Etat et la Collectivité Territoriale, signé le 26 octobre 2007, qui précise : « Un enseignement de 3 h hebdomadaires figure à l’emploi du temps de toutes les classes du 1er degré. Les modalités pratiques sont précisées dans le projet d’école. » et indique comme objectif dans son préambule : « Une stratégie éducative visant à offrir à tous les élèves la perspective d’un bilinguisme ouvert au plurilinguisme. »
  • 2)    Celui de la loi du 22 janvier 2002, relative à la Corse qui précise : « la langue corse est une matière enseignée dans le cadre normal de l’horaire des écoles maternelles et élémentaires ».

Leur mise en application concerne également l’enseignement des langues étrangères dans le 1erdegré. Elle fait l’objet d’une circulaire annuelle du recteur de l’Académie, qui, transmise à toute les écoles maternelles et élémentaires, rappelle les objectifs, actualise les schémas organisationnels et précise les modalités de ces enseignements.
Depuis la rentrée scolaire 1996/1997, l’enseignement de Langue et Culture Corses peut prendre deux formes :

  • Un enseignement dit « extensif », généralisé et affichant un objectif hebdomadaire de trois heures ;
  • Un enseignement bilingue, visant à la parité horaire et concernant tous les secteurs de collège de l’île.

a)    L’enseignement extensif de la langue corse (hors bilingue)
Il s’agit de la première forme d’enseignement de la langue corse, appelé enseignement « extensif », généralisé. La lettre rectorale de cadrage précise : « L’enseignement de la langue corse doit impérativement être organisé à raison de 3 heures hebdomadaires à partir du cycle 1. Sa continuité est garantie durant toute la scolarité ». L’objectif visé par cet enseignement est l’acquisition par les élèves d’une langue de communication aisée, donnant priorité à l’oralisation. Les programmes de langue corse pour les 2 types d’enseignement ont été publiés dans le B.O. hors série du 27 septembre 2007, intégralement consacré aux programmes de langues régionales pour l’école primaire. Cet important document liste les éléments du programme et distingue, pour les deux types d’enseignement présents dans notre académie, les niveaux de compétence (culturelle, lexicale, grammaticale, phonologique) devant être atteints a minima en fin de cycle 3:

  • le niveau A1 du Cadre Européen des Langues pour les élèves ayant suivi un enseignement L.C.C. de 3 heures hebdomadaires ;
  • le niveau A2 du Cadre Européen des Langues pour les élèves des classes bilingues français – corse.

Cet enseignement peut être assuré par :

  • le maître de la classe,
  • un autre maître de l’école dans le cadre d’échanges de services,
  • exceptionnellement, un intervenant extérieur habilité, en présence du maître de la classe et sous sa responsabilité pédagogique.

b)    L’enseignement bilingue : C’est la 2ème forme d’enseignement du corse. « Il suppose l’enseignement en langue corse de disciplines non linguistiques. Le temps d’utilisation du corse ne saurait y être inférieur à 9 h hebdo. Cet enseignement est assuré par les maîtres recrutés au concours spécial « langues régionales », et par les maîtres habilités ».
L’organisation de l’enseignement bilingue repose sur un principe peu répandu sur le territoire français qui associe parité horaire, polyvalence et bilinguisme des enseignants dans le cadre 1 maître / 1 classe. Un seul maître assure l’enseignement des 2 langues et dans les 2 langues contrairement à ce qui se fait pour l’occitan par exemple (et contrairement, d’ailleurs, aux recommandations de Claude Hagège).  Cette orientation a été prise dès la mise en place de l’expérience pédagogique de corse intégré, à partir de 1986,  et conservée depuis. Elle est en fait conforme à la situation que vivent les locuteurs bilingues, un même individu se partageant entre deux langues au gré des circonstances de communication.  Cette organisation, qui ouvre sur le plurilinguisme offre une très grande souplesse dans la gestion des apprentissages et dans celle du groupe classe. Ce fonctionnement est en effet porteur d’une dynamique spécifique favorable au plurilinguisme : au lieu d’un modèle de juxtaposition et d’accumulation des connaissances dans les deux langues, les équipes s’efforcent de construire la complémentarité entre les différentes composantes d’un parcours. Ceci est rendu possible par une macro alternance réglée des 2 langues, pensée comme une stratégie d’enseignement et de construction de savoirs et par une volonté d’éducation aux langues et aux cultures de proximité. L’enseignement bilingue n’est pas une fin en soi : au-delà de l’étayage identitaire auquel il est destiné, il prépare l’apprenant à s’ouvrir à d’autres langues ; de ce point de vue, l’introduction d’une langue étrangère ne pose pas de problème particulier à l’élève, habitué à un va et vient linguistique. Il présente un intérêt éducatif, économique, social et culturel : non seulement il justifie l’espoir d’une  pérennisation  d’une parcelle du patrimoine de l’humanité,  mais il concerne  également les familles qui vivent dans une région  et n’ont pas de lien direct avec la langue et la culture locales : si elles s’inscrivent dans ce projet éducatif, leurs enfants en tireront non seulement les avantages promis aux natifs mais elles contribueront également à une évolution positive de l’identité collective. L’existence d’un site bilingue repose sur un certain nombre de principes définis dans « La charte des sites, filières et classes bilingues des écoles de l’académie »:

  • Une finalité identifiée : conduire à « une bilingualité équilibrée, c’est à dire la capacité d’accéder à des compétences sinon égales, du moins comparables équitablement, dans les deux langues dans tous les domaines de l’utilisation orale puis écrite… »
  • Le respect des principes généraux de l’école, en cohérence avec les orientations et programmes nationaux.
  • L’usage de la langue régionale en tant que langue enseignée (langue objet d’étude) et langue d’enseignement dans plusieurs domaines d’activités (langue instrument au service des disciplines)
  • Une mise en œuvre de la pédagogie du projet
  • Un enseignement tendant à la parité horaire en langue régionale et en langue française.
  • Un enseignement précoce : la précocité est un facteur de réussite, l’entrée doit se faire en maternelle
  • Une continuité et un suivi de cursus institués de la première année de cycle 1 jusqu’au cycle 3 puis jusqu’au collège et enfin au lycée, l’enfant pouvant toujours, à un moment donné de son cursus, réintégrer l’enseignement unilingue si les parents le souhaitent. Cependant, pour bénéficier des apports intellectuels, éducatifs, linguistiques et culturels du bilinguisme, la continuité du cursus est nécessaire, elle doit être organisée et conseillée aux familles.

c)    Harmonisation avec la langue vivante étrangère : Au dispositif concernant la langue corse vient s’ajouter, à partir du cycle 3, un enseignement de langue vivante étrangère. Ces enseignements doivent être offerts tous deux de manière harmonieuse : Au cycle 3, l’enseignement de langue vivante (corse+langue étrangère) doit être au total de 3 heures, auxquelles s’ajoutent à compter du cycle 3 des activités en langue corse à raison d’une heure et demie, même si celles-ci peuvent évidemment se développer dès l’école maternelle.
L’enseignement du corse depuis l’école maternelle permet en effet aux élèves un contact précoce avec une langue autre que le Français et une gymnastique intellectuelle de nature à faciliter l’apprentissage ultérieur d’autres langues.
Le début d’un enseignement de langue étrangère en cycle 2, ne saurait entraîner une diminution de l’horaire de corse.
Il nous faut souligner dans certaines écoles l’organisation d’un enseignement des langues et cultures d’origine. (ELCO).

d)    Tableau des résultats académiques de l’enquête annuelle LCC (2010/2011) – Voir le document PDF attaché

  • 98% des élèves du primaire reçoivent un enseignement de la langue corse.
  • 48,70% suivent moins de 1h30 de corse par semaine (12,24% : < 1h30 / 22,65% = 1h30/  11,73% de 1h30 à 3h).
  • 27 ,97% bénéficient d’un enseignement des 3h règlementaires ( hors enseignement bilingue).

L’enseignement bilingue concerne près de 25 % des élèves du primaire.

e)    Evaluation : Les évaluations du système et des élèves ont été régulièrement organisées au plan académique. Elles concernaient une année les CM2 bilingues, l’année suivante l’ensemble de tous les CM2. En 2010, une décision d’importance a été prise : les données relatives à la langue corse ont été intégrées dans le livret d’évaluation, obligatoire rappelons-le. Ce document fait apparaître les résultats des évaluations que conduisent les enseignants eux-mêmes, ainsi que les attestations de compétences de fin de cycle qui seront transmises ensuite au collège d’accueil. Dans la logique du livret scolaire obligatoire et sur le modèle prévu pour l’anglais, un livret d’évaluations, incluant tous les paramètres relatifs à l’enseignement de la langue régionale a été conçu. Les attestations de compétences de fin de cycle préciseront le niveau CECR, qui fait référence au « Socle Commun ».
Pour faciliter et pour harmoniser les items proposés afin de valider en fin de CM2 (cursus standard ou bilingue, il est prévu de proposer aux enseignants une banque d’exercices, à consulter en ligne. Ces modalités organisationnelles se mettront en place dès que les attestations de compétences auront été validées par la cellule rectorale LCC. Un groupe de conseillères pédagogiques a élaboré, sous la responsabilité de l’Inspecteur d’Académie de la Haute-Corse, un livret d’évaluations, incluant tous les paramètres relatifs à l’enseignement de la langue régionale. Son édition devrait se concrétiser à court terme.
Les enseignants de classe bilingue sont inspectés selon la procédure administrative habituelle, mais sous double tutelle, IEN de la circonscription et IEN LCC, dans l’ensemble des sites.
En ce qui concerne l’évaluation sommative, celle-ci est institutionnalisée dans les sites : elle contribue fortement à la crédibilisation de l’enseignement dispensé. Du point de vue sommatif mais aussi formatif, un travail assez systématique est proposé dans différentes méthodes d’apprentissage du corse : Di manu in manu ( maternelle, CP ) propose des grilles de compétences à remplir à la suite de chaque unité didactique, L’ore belle 1, 2 (CE1 et CE2) des épreuves orales et écrites ciblées en fonction d’objectifs identifiés, In Cor’di lingua (CM1 et CM2 ) propose des épreuves du même type avec une part plus large accordée à la production écrite.
Comme le précise Michel FRASSATI, IEN chargé de mission académique LCC, dans la synthèse académique sur l’enseignement du corse dans le premier degré de mars 2011 : «   Quinze ans après l’implantation des premiers sites bilingues, il semble indispensable de concevoir et de mener des évaluations qualitatives de l’existant. Cette opération doit être menée au sein de l’institution, mais des partenariats sont à envisager avec l’Université de Corse (études corses, sciences de l’éducation) et/ou avec l’INRP, avec lesquels des connexions existent. »
Evaluations nationales dans le bilingue : Une étude a été menée, dans une circonscription test, celle de Corte-Balagne, sur les évaluations nationales de français et de mathématiques au CM2, afin de tenter de cerner les effets de l’enseignement bilingue sur les disciplines fondamentales. Elle est extraite de la synthèse académique sur l’enseignement du corse dans le premier degré réalisée en mars 2011 par Michel FRASSATI IEN chargé de mission académique LCC.
L’étude que nous vous présentons a été menée dans une circonscription test, celle de Corte – Balagne.

  • Sur 220 élèves des parcours « standard », 61,6 % réussissent en français, 61 % en mathématiques
  • Sur 102 élèves    des parcours bilingues, 66,6 % réussissent en français, 65 % en mathématiques

Nonobstant le déséquilibre en termes d’effectifs (220/102), les taux de réussite se révèlent meilleurs dans le bilingue (+ 5 points en français, + 4 en mathématiques). Ils sont corroborés par les résultats enregistrés dans les écoles où coexistent les deux filières, avec des écarts parfois assez marqués. Loin de nous l’idée d’opposer ici les deux systèmes d’enseignement. Il s’agit simplement d’utiliser de telles données pour tenter d’analyser à l’interne la pertinence et l’efficience des procédures pédagogiques mises en œuvre et la conformité des résultats qu’elles engendrent. Bien entendu, le début d’analyse présenté mérite d’être confirmé à l’échelle de l’Académie toute entière pour être validé. Ces résultats peuvent peut-être expliquer le fort engouement  des familles pour l’inscription massive de leurs enfants dans les filières bilingues. En effet si au début de l’expérience nous avons eu besoin de convaincre les parents des effets positifs du bilinguisme, nous sommes à présent, victimes de son succès et nous n’arrivons plus à satisfaire les demandes. Lorsque L’Etat a proposé le libre choix des filières, nous l’avons considéré comme une avancée mais cela a engendré un système à double vitesse. Cette dérive est bien analysée dans les travaux de recherche  de  Sébastien Quenot  qui a passé sa thèse en 2010 à l’Università di Corti.

f)    Formation : Un effort particulier de soutien à l’enseignement du corse a été fait, tant dans le cadre des plans départementaux de formation que dans celui d’ateliers de pratique individualisée du corse. Les moyens ont malheureusement diminué et la formation continue est revue à la baisse par manque de personnels de remplacement et la suppression de frais de déplacements pour les stagiaires. Les stages prévus concernent prioritairement les enseignants préparant l’habilitation, ainsi que les enseignants débutants sur les classes bilingues mais un soutien régulier est apporté au suivi des équipes éducatives dans les différentes circonscriptions.
L’accompagnement des classes dans les centres de séjour linguistique constitue également un temps de formation pour les enseignants. Il faut mentionner l’appui financier très important  fourni par la Collectivité territoriale de Corse (prise en charge financière partielle de l’accès aux centres de séjour et d’accueil linguistique, aide à la production de documents, à l’équipement et au fonctionnement des sites bilingues. Pour porter l’ensemble des enseignants à une réflexion de fond sur une éducation bi plurilingue, il est essentiel que le dispositif de formation initiale des professeurs des écoles prenne en compte la didactique de l’enseignement bilingue. Dans le cadre des nouvelles réformes, la formation initiale a connu de véritables bouleversements. Il est pourtant primordial que le dispositif de professionnalisation des professeurs des écoles prenne en compte la didactique de l’enseignement de la langue corse et des disciplines en langue corse. Le plan académique de formation continue devra, dans ses déclinaisons départementales, intégrer plus avant la dimension LCC. pour répondre aux ambitions affichées par la convention. Nous pensons en premier lieu à des stages d’aide à l’entrée dans l’enseignement bilingue, mais également, comme par le passé, à des sessions ouvertes à des maîtres plus confirmés et axées sur la production d’outils didactiques. Certains de ces modules pourraient être interdépartementaux, d’autres associeraient professeurs des écoles et des collèges dans un évident souci de continuité pédagogique.

g)    L’enseignement bilingue et le Plan Régional de Formation (cf : http://www.corse.fr/tags/PRDF/)
La convention Etat/ CTC (2007 – 2013) prévoit que « l’organisation d’un enseignement bilingue sera généralisée dans toutes les écoles maternelles à l’horizon 2013.
Dans le plan de développement de la langue, le document d’accompagnement de la délibération précise que « la langue corse est le socle et le principal vecteur d’expression de notre culture », que celle-ci « est non seulement un patrimoine mais un atout pour notre jeunesse » et qu’elle peut « participer d’un projet sociétal pour la corse » .
Le comité scientifique mis en place dans cette optique a remis un rapport intitulé « lingua corsa : un fiatu novu / langue corse/ un souffle nouveau » dont l’objectif central est de « créer dans la société corse une dynamique du bilinguisme articulé à la stratégie européenne pour le plurilinguisme ».
Le groupe « PRDF / lingua corsa » a proposé clairement comme modèle éducatif et comme objectif du développement de la langue et de la culture corses un bilinguisme ouvert au plurilinguisme, à l’Europe et au Bassin méditerranéen. Il s’agit non seulement d’assurer la transmission de la langue, mais également de l’utiliser comme ressource structurante disponible pour développer chez les élèves l’aptitude au plurilinguisme. La CTC considère que la stratégie la plus rationnelle en Corse pour parvenir au plurilinguisme est de s’appuyer sur un bilinguisme précoce français / corse.

h) La communauté éducative des sites bilingues  : Les enseignants, qui bénéficient d’un suivi particulier de l’équipe de circonscription, travaillent en équipe. Les parents sont associés à la démarche et peuvent intervenir de façon ponctuelle, dans le cadre des compétences que leur reconnaît la loi. L’enfant doit être conforté dans son statut d’élève bilingue. L’attitude encourageante de la famille est très importante pour l’aider à trouver du sens à son bilinguisme. D’une façon générale, les ouvertures sur l’environnement humain et naturel sont favorisées, avec des séjours organisés au centre de séjour de Savaghju : durant une semaine  les élèves étudient la géographie et le biotope montagnards, dans le cadre d’une immersion partielle, ils vivent également une expérience sociale de la langue plus importante dans la mesure où le bilinguisme est pratiqué en continu par l’ensemble du personnel d’accueil et d’animation.
Au delà de la découverte d’un nouveau milieu de vie, ils partagent une expérience commune en dehors du cadre scolaire et apprennent à vivre ensemble et à tisser de nouveaux liens à travers une expérience de la langue totalement nouvelle.
Les centres d’accueil de Bastia et de Loretu di Casinca assurent un accueil à la journée sur la base d’un projet déterminé en commun entre les acteurs du centre et les enseignants et validé par l’IEN. Il est à noter que les centres sont également ouverts à l’ensemble des classes afin d’aider la mise en place de l’enseignement des 3 heures hebdomadaires.
Il faut mentionner l’appui financier très important fourni par la Collectivité Territoriale de Corse ( prise en charge financière partielle de l’accès aux centres de séjour et d’accueil linguistique, aide à la production de documents pédagogiques à l’équipement et au fonctionnement des sites bilingues ) et par le Conseil Général de la Haute Corse.
i)  Les pratiques pédagogiques et didactiques : La mise en place d’un enseignement bilingue, pour lequel existent à présent de très nombreux d’outils, suppose toujours un engagement personnel très important. On constate pour la plupart des pratiquants une volonté d’accompagner l’apprenant et de le rendre progressivement maître des deux idiomes utilisés, on peut affirmer que les enseignants tentent d’appliquer dans les sites une pédagogie attentive à ses besoins. Dans la plupart des cas, bien que disposant de manuels d’apprentissages de la langue et d’outils conçus par les équipes de circonscription, ils n’hésitent pas à créer leurs propres ressources, surtout  dans les disciplines non linguistiques. On observe un souci d’ouverture sur le milieu, tant physique que patrimonial et humain. Le réseau informatique Ecolia Corsu, dédié aux sites, devrait favoriser davantage l’ouverture, l’échange et la mutualisation des outils.

 j)  Mise en place de stratégies pédagogiques : L’école a dû s’adapter à l’accueil d’une population scolaire très diversifiée, composée d’enfants issus de l’immigration. Nous rappellerons ici que la Corse est depuis longtemps la deuxième académie dans l’accueil des enfants étrangers. Le rapprochement familial s’est engagé de façon tardive dans l’île et s’est fortement accéléré de 1990 à  2002, sans toujours donner aux enseignants les moyens nécessaires d’y faire face. Dans certaines écoles, le taux d’élèves étrangers a dépassé les 50% d’une rentrée à l’autre, sans laisser le temps, aux équipes pédagogiques, de s’adapter à cette nouvelle forme de scolarisation ( accueil des enfants non-francophones). Les enseignants ont dû faire face à cette hétérogénéité culturelle, remettre en cause leur pratiques et développer des formes nouvelles de pédagogie du projet, axée sur l’apprenant : projet individualisé, contrat de classe, tutorat, décloisonnement, liaison et suivi avec la CLIN et le RASED. Ils ont développé des formes de différenciation pédagogique permettant de prendre en compte des publics aussi hétérogènes sur le plan social, linguistique et culturel. L’enseignement de la langue et culture corses s’adresse à l’ensemble du public scolaire par la généralisation d’offre d’enseignement des trois heures. L’inscription des enfants dans un projet éducatif bilingue est possible si les familles en font le choix, de préférence en début de cursus.
Après avoir réalisé une sorte de carte d’identité de l’évolution de la langue corse à l’école nous allons tenter de dégager les nouveaux enjeux de l’enseignement d’une langue régionale, en mesurant  ses avancées mais aussi les reculs dus aux récents obstacles rencontrés.  (voir  diaporama : 1) des reculs ou des manques, 2) des avancées).

Des reculs ou des manques
1- Modalités de la mise en œuvre de la généralisation : des carences

  • La généralisation des trois heures hebdomadaires reste à réaliser pleinement.
  • La mise en place des 3 heures hebdomadaires de Corse n’est pas effective dans les classes
  • On constate ces dernières années une baisse qualitative des compétences linguistiques chez les jeunes enseignants.
  • L’utilisation d’agents contractuels : un palliatif : 32 agents contractuels de langue corse interviennent dans les écoles depuis la rentrée scolaire 2001. Ils le font sur la base de contrats individuels de 18 heures hebdomadaires. Leur temps d’intervention dans une classe est de 1h 30. Le nombre d’élèves recevant un enseignement LC de ce type demeure relativement élevé. Cette solution ne s’avère pas forcément la plus efficiente au plan pédagogique (manque de formation, statut précaire, difficultés évidentes à s’insérer dans un projet global… ).

Des solutions possibles :
•    La participation d’adultes corsophones bénévoles : La possibilité d’intégrer des adultes corsophones bénévoles, pourtant digne d’intérêt au plan pédagogique et innovante au plan sociétal et intergénérationnel, est insuffisamment exploitée. Elle reste marginale, alors qu’elle permet l’intervention dans les classes de locuteurs authentiques, aux compétences largement reconnues. Rappelons que cette mesure d’accompagnement figure dans la convention 2007-2013.
•    L’intervention de Professeurs certifiés LCC : L’idée de confier quelques heures d’intervention dans le primaire à des professeurs certifiés (en sous service) avait trouvé un début d’application il y a une douzaine d’années. Cette solution, pourtant souhaitée par certains IEN et conseillers pédagogiques, ne suscite pas vraiment l’adhésion des professeurs de langue corse. Les raisons en sont multiples : difficultés à appréhender la pédagogie du 1er degré, crainte d’un changement de statut, refus idéologique de « s’immiscer » dans l’enseignement primaire…

2- L’enseignement bilingue

  • Pour ce qui est de l’enseignement bilingue, les objectifs de la convention peuvent être atteints à l’horizon 2013 mais dans de trop nombreux sites, la parité horaire ou le minimum préconisé des 9 heures demeurent toujours des objectifs à atteindre.
  • La continuité pédagogique Ecole – Collège : un échec. La mise en place du bilingue dans le second degré est lente et difficile.

Le choix d’une école bilingue par secteur de collège ne permet pas d’obtenir des effectifs suffisants pour l’équilibre des classes de sixième (il faut l’élargir à au moins deux écoles par secteur). Après une évaluation LCC réalisée par un professeur LCC et un conseiller pédagogique de circonscription, des élèves issus d’un enseignement extensif peuvent rejoindre la filière bilingue à l’entrée en sixième. Une forte demande des parents est enregistrée chaque année. Cependant, cette solution n’est satisfaisante ni pour les élèves qui ont suivi un cursus bilingue complet ni pour les professeurs qui se retrouvent avec des niveaux linguistiques trop différents. Les besoins en  postes de professeurs habilités en LCC ne sont pas anticipés et l’enseignement en corse dans les disciplines se met difficilement en place au collège.

3- La formation des maîtres : un net recul
La formation initiale a connu des bouleversements avec les nouvelles réformes. Il  est pourtant nécessaire que, comme par le passé, le dispositif de professionnalisation des professeurs des écoles continue de prendre en compte la didactique de l’enseignement de la langue corse et des disciplines en langue corse. Il nous faudrait pour cela nous appuyer, comme stipulé dans la convention Etat – C.T.C., « sur un réseau de classes d’application bilingues, tant en zone rurale qu’en zone urbaine ».
Il nous semble enfin nécessaire, au vu de la proportion croissante d’enseignants bilingues et des besoins en formation initiale, d’initier une concertation entre toutes les instances concernées (rectorat, inspections d’académie, I.U.F.M…) pour envisager l’ouverture et le redéploiement de classes d’application bilingues, intégrant réellement la pluralité des problématiques présentes sur le territoire (zones urbaines et rurales, ZEP, classes uniques…).
La formation continue : Le plan académique de formation continue devra, dans ses déclinaisons départementales, intégrer plus avant la dimension LCC, pour répondre aux ambitions affichées par la convention. Il faut prévoir des stages d’aide à l’entrée dans l’enseignement bilingue mais aussi des sessions ouvertes à des maîtres plus confirmés et axées sur la production d’outils didactiques en  associant professeurs des écoles et des collèges dans un évident souci de continuité pédagogique.

Des avancées

  • La lettre annuelle du Recteur : un cadre de référence : La mise en application des dispositions visant à développer l’enseignement de Langue et Culture Corses et de l’enseignement des langues étrangères dans le 1er Degré, fait l’objet d’une circulaire annuelle du Recteur de l’Académie qui, transmise à toutes les écoles maternelles, élémentaires et primaires, liste les objectifs, actualise les schémas organisationnels et précise les modalités de ces enseignements.
  • La convention Etat/ CTC: Le groupe « PRDF / lingua corsa » a proposé clairement comme modèle éducatif et comme objectif du développement de la langue et de la culture corses un bilinguisme ouvert au plurilinguisme, à l’Europe et au bassin méditerranéen. Il s’agit non seulement d’assurer la transmission de la langue, mais également de l’utiliser comme ressource structurante disponible pour développer chez les élèves l’aptitude au plurilinguisme.
  • Le contrat de plan : Un appui important de la CTC qui finance les moyens d’accompagnement :

•    Les centres de séjours et d’études corses : une aide à l’immersion : Conçus à l’origine pour aider à la mise en œuvre de la généralisation, les centres sont au nombre de trois. Gérés par les P.E.P. de Haute-Corse, leur vocation est d’accueillir des classes accompagnées de leurs maîtres pour des activités immersives en langue corse (langue instrument d’apprentissage). Les trois centres sont les suivants :
Le centre de SAVAGHJU : est situé au cœur de l’île dans la forêt de Vizzavona. Il a une vocation régionale et accueille des classes pour des séjours d’une semaine. Il est dédié à la découverte de l’environnement, à travers diverses disciplines et activités.
Le centre de L’ORETU DI CASINCA : a une vocation micro-régionale. Il accueille des classes d’une partie de la façade orientale de l’île pour des journées d’immersion axées sur la découverte de la ruralité, toujours prégnante dans ce village typique à bien des égards.
Le centre de BASTIA – CITATELLA : a une vocation essentiellement urbaine. Il accueille des classes de cycle 3 de l’agglomération bastiaise pour des journées consacrées à l’étude du richissime patrimoine historique et architectural de la vieille cité génoise.
•    La production de documents et de ressources pédagogiques : le rôle du CDDP : L’effort dans le domaine de la production et de la diffusion des ressources pédagogiques pour l’enseignement de/en langue corse doit être poursuivi, en pérennisant et en systématisant le partenariat avec le C.R.D.P. et en travaillant à la mise en ligne d’un site académique, ces moyens permettant, parmi d’autres, de systématiser l’indispensable collaboration praticiens – éditeurs et de favoriser les non moins nécessaires mutualisations entre professionnels. La mise à disposition de manuels d’enseignement du corse, la création d’albums de jeunesse ou l’édition d’ouvrages pédagogiques bilingues sont autant d’objectifs inscrits dans les contrats de plan successifs.
Cette tâche majeure est pour l’essentiel confiée au C.R.D.P. de la Corse, qui s’en acquitte avec beaucoup de professionnalisme.
Il existe un certain nombre de manuels d’apprentissage de la langue, l’ensemble des cycles est couvert ; concernant le domaine de l’enseignement des disciplines non linguistiques, des documents multidisciplinaires ont été produits et édités.
•    Un espace de mise en ligne des ressources : « Ecolia » : Toutes les écoles bilingues ont été dotées de matériel informatique grâce aux subventions de la CTC.
Le but est d’utiliser pleinement les TICE dans le développement d’un enseignement rénové intégrant l’utilisation de la langue en tant qu’outil. Il nous faut également concrétiser, au plan académique, l’indispensable ouverture d’un espace de mise en ligne des ressources, pour aider à la diffusion et à la mutualisation des innombrables documents pédagogiques produits dans les écoles depuis l’avènement de l’enseignement bilingue. A ce sujet, l’installation actée et programmée du logiciel « Ecolia », destinée à faciliter les échanges entre les enseignants bilingues de l’Académie, est désormais achevée. Afin d’en faciliter l’utilisation, des sessions de formation à l’intention des formateurs sont d’ores et déjà organisées, avec la participation du concepteur de l’outil.

III- L’enseignement bilingue précoce français -corse, première étape vers le plurilinguisme.

a) Enseignement et éducation : L’école est l’objet d’une demande sociale accrue en faveur d’une diversification des langues enseignées, et les programmes d’enseignement à l’école primaire témoignent de cette prise en compte. Le bilinguisme, voir même le multilinguisme, très longtemps méprisés sont fortement réhabilités et extrêmement valorisés.
En préambule, nous pouvons nous appuyer sur la réflexion de Philippe BLANCHET, sociolinguiste, dans un article intitulé « Enseigner les langues de France ? » : « Mieux se connaître soi-même, mieux connaître les autres à travers la diversité de leurs langues, de leurs cultures, de leurs modes de vies, permet de mieux se comprendre, de mieux s’accepter, de mieux vivre ensemble en se respectant mutuellement. Les langues de France constituent le moyen de contact le plus proche avec cette altérité, à laquelle nous devons être éduqués…». Nous pouvons   rajouter ici que, du point de vue didactique la rentabilité est maximum : en effet s’il est difficile de rencontrer l’altérité dans la pratique d’une langue étrangère, avec le vernaculaire la translation linguistique et sociale est immédiate et s’inscrit dans la durée de l’expérience du sujet. Il termine ainsi ses propos « elles sont inscrites dans l’histoire culturelle de notre société. Elles constituent donc, une ressource directe d’éducation au plurilinguisme ».
Nous allons tenter de montrer comment l’enseignement d’une langue régionale, ici le corse, par un choix possible de bilinguisme précoce permet d’accéder au plurilinguisme.  En effet, toujours selon Philippe Blanchet : « Dans le processus d’accès au plurilinguisme, l’effet de seuil se situe entre 1 et 2 langues : une fois bilingue, un individu peut facilement devenir trilingue,…quelles que soient ses deux premières langues, et surtout s’il les a acquises jeune ».

b) Précautions pour un enseignement bilingue efficace : Selon Jean DUVERGER, dans un article intitulé « De l’enseignement bilingue à l’éducation plurilingue » paru dans le numéro 355 du Français dans le monde, « l’éducation au plurilinguisme ne va pas de soi et se met difficilement en place dans les dispositifs éducatifs traditionnels monolingues ; le passage par l’enseignement bilingue est sans doute un facteur très favorisant, mais à certaines conditions. » «  Il semble bien que cet enseignement bilingue crée… un contexte très favorable au développement d’une éducation plurilingue et pluriculturelle…sans doute parce que le fait d’utiliser deux langues, très jeune, pour travailler, apprendre, jouer, permet de vivre vraiment et en profondeur l’altérité linguistique, le caractère arbitraire du signe, la relativité des lexiques, mais aussi celle des grammaires, des syntaxes, des codes. Parce que le fait de vivre au quotidien les problèmes de traduction, d’interprétation, le fait de chercher des relations entre les langues, des transparences, des dissemblances, des étymologies, toutes ces activités métalinguistiques permanentes ne peuvent que favoriser le développement de compétences d’ouverture à d’autres langues et donner à penser au niveau de la relation langue/culture ».  Toujours selon Jean DUVERGER, il faut un certain nombre de conditions pour que l’enseignement bilingue soit une voie vers le plurilinguisme.

  •  1ère condition : Celle du choix de la première langue « étrangère ».
  •  2ème condition : Commencer le plus tôt possible ;
  •  3ème condition : Mettre en relation, régulièrement et dès le départ, les fonctionnements et usages des deux langues en pratiquant une pédagogie intégrée.
  •  4ème condition : Approcher très vite, sous des formes plus légères, d’autres langues prises dans le capital de l’école, de l’environnement proche ou plus lointain : utiliser les langues régionales si elles existent, les langues des élèves issus de l’immigration, les langues du voisin.

On le fera par des approches singulières que la recherche didactique a pu réaliser grâce à la mise en œuvre de programmes européens : citons : les programmes d’Eveil aux langues (Evlang),les programmes centrés sur l’intercompréhension entre langues voisines, l’approche par compétences , en relation avec » le Cadre européen commun de référence, la mise en œuvre d’une pédagogie de projets plurilingues selon une pédagogie de projet interdisciplinaire et interlinguistique, l’organisation systématique de rencontres, d’échanges en utilisant les médias et internet. Sa conclusion : Puisqu’il apparaît que bien souvent, l’enseignement bilingue étriqué et réduit à la somme de deux monolinguismes ne peut suffire à garantir une éducation plurilingue, on peut, considérer qu’une bonne solution pour viser l’éducation plurilingue à l’école pourrait être celle de faire démarrer un enseignement bilingue dès le plus jeune âge, lui permettant de vivre très vite la variété linguistique et de faire suivre très rapidement cet enseignement d’un élargissement à d’autres langues.

c) Le cas de la Corse : vers une éducation interculturelle et plurilingue : Dans l’école d’aujourd’hui, tout enseignement d’une langue ne peut se concevoir que dans l’association et la synergie des idiomes en présence. Pour commenter les pistes proposées par Jean Duverger, il est incontestable que « Le cadre européen de référence pour les langues (CECRL) constitue aujourd’hui l’outil contractuel voué à la politique commune en matière d’enseignement linguistique. On y lit d’ailleurs, que l’un des buts assignés à l’apprentissage des langues consiste à « entretenir et développer la richesse et la diversité de la vie culturelle en Europe par une connaissance mutuelle accrue des langues nationales et régionales, y compris les moins largement enseignées. » Ainsi les outils du Conseil de l’Europe, le Cadre européen commun de référence et l’ensemble de ses dérivés, placent les langues régionales sur le même pied de légitimité que les autres langues, dites nationales.
Selon Jean- Marie Gautherot (Strasbourg) « L’éducation linguistique « de proximité », à laquelle ces langues peuvent, dès l’école élémentaire, ouvrir la voie bilingue, peut constituer le commencement d’un plurilinguisme précoce réussi. Cette légitimité offre un cadre intégrateur, accueillant à la diversité. Les langues régionales peuvent alors prendre place dans une politique linguistique globale, aux côtés des autres langues». Le plurilinguisme préconisé par le conseil de l’Europe vise à développer prioritairement une compétence plurilingue dans le cadre d’une éducation interculturelle « comme forme du vivre ensemble». Le sillon tracé mène à une éducation citoyenne à la bienveillance et à l’empathie linguistiques par le développement de la sensibilité collective et individuelle à la langue de l’autre (des autres). Le concept de polynomie singularise la langue corse et aide à atteindre ce concept.  L’approche polynomique englobe l’enseignement des variétés et surtout de leur principe, la variation. Elle relève d’une attitude d’ouverture à l’altérité interne ( variétés entre elles)  à l’altérité externe (empathie linguistique pour les langues, leur variation et pour les cultures qu’elles véhiculent.
Selon Jean Marie Comiti, « Si la variation est consubstantielle à la langue, la polynomie est liée à une forme d’éducation qui conduit au respect de la différence » 2005,p 97(La langue corse entre chien et loup Ed L’Harmattan Paris). De ce respect, l’auteur fait une condition transitive possible à l’éducation interculturelle. « La tolérance interdialectale qui conditionne la reconnaissance affichée de la diversité interne à la langue devient aussi une clef pour l’interculturalité » Nous nous appuierons ici sur les réflexions de Jacques Thiers : « Le développement attendu d’une attitude ouverte chez les élèves constitue une heureuse opportunité à l’heure où le plurilinguime devient un objectif majeur dans la formation des futurs citoyens européens».

Conclusion : Aux termes de la loi Fillon, l’état s’en remet aux régions pour l’enseignement des langues régionales. La Corse n’avait pas attendu cette mesure pour s’approprier une politique territoriale des langues et mettre en place une politique linguistique proche des citoyens et respectueuse du patrimoine culturel. L’assemblée Territoriale s’est donnée les moyens de bâtir un projet collectif.

Lire la fin de la conclusion dans le PDF attaché : ‘enseignement du Corse

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