– Philippe Martel, L’école française et l’occitan ou Le sourd et le bègue, Montpellier, PULM, 2007, disponible en open editon (https://books.openedition.org/pulm/441)
– Yan Lespoux, Pour la langue d’oc à l’école. De Vichy à la loi Deixonne, les premières réalisations de la revendication moderne en faveur de l’enseignement de la langue d’oc, Montpellier, PULM, 2017,
– Michel Lafon, Qui a volé mon « patois » ? L’épopée scolaire aveyronnaise d’une langue proscrite, Montpellier, PULM, 2015, ouvrage accompagné d’un film de collectage de témoignages
Hervé Lieutard, Marie-Jeanne Verny (collectif, sous la direction de) L’école française et les langues régionales (XIXe-XXe siècles), PULM, 2008.
Revue Lengas, n° 65, Hervé Lieutard et MJ Verny, coord. : L’occitan, le catalan et l’école (PULM, 2009)
Revue Lengas, n° 85, Yan Lespoux et MJ Verny, coord. : Manuels scolaires et langues régionales /Manuals escolars e lengas regionalas (PULM, 2018)
Revue d’études d’oc 171, Blanchet, Ph. (Coord.), 2020, Lou coulas de la vergougno (Le collier de la honte). Études sur le signal ou symbole employé à l’école française pour dénoncer et punir les enfants qui parlaient une langue « locale », , 160 p.
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Revues.
Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive. Il reste encore à établir un inventaire bibliographique complet de tous les périodiques, parfois à diffusion locale. Nous ne retenons ici que des publications dont le territoire de diffusion est plus large.
– Bulletin pédagogique de l’IEO (Toulouse, 1951-1956) 31 n°s.
– Cahiers Pédagogiques de l’IEO (Toulouse, 1956-1973) 62 n°s.
– Viure a l’escòla : revue de réflexion et de pratiques pédagogiques éditée dans l’Aude entre 1976 et 1980, située tour à tour à Villegaillenc et Carcassonne. 37 numéros parus.
– Practicas, revue pédagogiques des Obradors Occitans, Montpellier, 1er trimestre 983 (n° 1) à 2ème trimestre 1988 (derner numéro : 13-14) ;
– Lenga e país d’òc, revue de réflexion et pratiques pédagogiques éditée par le CRDP de Montpellier. N° 1 : 4ème trimestre 1977.
On retiendra en particulier les dossiers des n° 41 et 42 sur les pionniers de l’enseignement de l’occitan : Hélène Cabannes-Gracia, Raymond Chabbert, Georges Gros, Robert Lafont et Pierre Lagarde.
– Lou Prouvençau a l’escolo. N° 1, année scolaire 1952-53 (St Rémy de Provence).
Hervé TERRAL, La langue d’oc devant l’école (1789-1951), Puylaurens, IEO/IDECO, 2005, Préface de Robert Lafont.
Cet ouvrage recense et commente de nombreux textes sur la question dont la liste ci-jointe suffit à dire l’intérêt de les voir réunis.
Instruction publique et francisation linguistique, p. 67.
- Bernadau, Lous dreitz de l’ome (10 septembre 1790), p. 69.
- Lavabre, La Garisou de Mariano (oct. 1792), p. 74.
Baron Trouvé, Description de l’Aude (1818), p. 78.
- Pariset, L’instruction en Lauraguais (1867), p. 85
Rapport d’inspection (Tarn, 1856), p. 92.
Comité d’Instruction Publique de Cahors, interdiction du patois, p. 97.
Ch. Nodier, Conte fantastique (1834), p. 99.
Dupleich, Préface (Dictionnaire patois/français), 1834, p. 106.
Combats politiques : la République une ou plurielle ? p. 111.
Pétition pour les langues provinciales (1870), p. 116.
Michel Bréal, L’enseignement du français et le patois (1878), p. 129.
- Bréal, Discours à la fête des félibres (1890), p. 133.
- Passy, Lettre à P-D. Lafore (1903), p. 136.
- Tarde, Lettre aux instituteurs (1899), p. 138.
- Mistral; Discours de 1875 à Montpellier, p. 140.
- Mistral, Lou Prouvençau dins lis escolo (1898), p. 145.
A.Sourreil, A la ligue de l’Enseignement (1899), p. 147.
- Pécaut, Textes sur les patois (1889-1905), 150.
- Jaurès, Textes sur les patois(1909-1911), p. 158.
Pratiques scolaires , p. 169.
- Mistral, Lou signe (1894), p. 175.
- Terrade, le Sinhal (1929), p. 178.
S.Lacoste, Origine des dialectes locaux (1902), p. 180.
- Lacoste, 2e ex. de leçons( Manuel du maître) p. 183.
- Tournié, L’idiome d’Arnaud-Guilhem (1886), p. 188.
Mme Gelado, institutrice à Carbone (1896), p. 194.
- Roundou, Proverbes de Barèges (1914), p. 196.
- Perbosc, Contes populaires (1914), p. 200.
- Perbosc, Le fin valet/ le fi ballet (1914), p. 210.
- Petit, L’école et la « petite patrie » (1901), p. 214.
Villeneuve-Savinien, Enquête sur l’Oc (1911) p.219..
« Vingt fois sur le métier », p. 247.
Ligue pour la langue d’oc à l’Ecole (1924), p. 253.
Anatole de Monzie, circulaire du 14 août 1925, p. 255.
Lettre à un Barde (1927), p. 259.
- Balagayerie, Le patois à l’école (1925), p. 264.
- Lhande, Les parlers régionaux (1925), p. 266.
- Perbosc, Les langues de France à l’école (1926), p. 268.
Ph. Pétain, Mistral et la renaissance provençale (1942) p. 284.
- Ripert, documents pour l’enseignement (1940) p. 285.
La langue d’oc à l’école (1941-1942),p. 287.
- Mouly, l’oc à l’escòla (1942)., p. 292.
Calelhou, L’oc dans la formation des maîtres (1942) p. 308.
Discours de Jean Cassou (1945), p. 318.
- Cabanas, D’un ensenhament regionalista (1946), p. 321.
- Freinet, Lettre du 30 octobre 1947, p. 327.
Loi Deixonne, (1951), p. 331.
Conclusion, Per jòia recomençar (1951), p. 335.
Hervé Lieutard et Marie-Jeanne Verny, éditeurs, L’école française et les langues régionales, XIXe – XXe siècle, Presses Universitaires de la Méditerranée, collection « Études occitanes », Université Paul-Valéry, 2008.
–
Ce volume réunit 16 communications présentées lors du colloque des 13 et 14 octobre 2006 organisé à l’Université Paul Valéry par l’équipe RedOc (Recherches en Domaine occitan) et le Centre d’Études Occitanes. Le colloque a été ouvert par Monsieur Christian Nique, Recteur de l’Académie de Montpellier et Monsieur Michel Alessio, représentant Monsieur le Délégué Général à la Langue Française et aux Langues de France.
Lors de ce colloque un film de témoignages réunis en Aveyron, Quel est ce charabia ? réalisé par Michel Lafon, doctorant, avec l’aide technique du service audio-visuel de l’Université Paul Valéry, a été présenté au public. Grâce à l’aide financière de la D.G.L.F.L.F., ce DVD a pu être joint gracieusement aux Actes de ce colloque.
Sommaire de l’ouvrage :
– Prise de parole de Michel Alessio, chargé de mission à la Direction Générale à la Langue Française et aux Langues de France
– Introduction : L’école de la République et les langues régionales : ce que nous savons, ce que nous croyons savoir, ce que nous voulons savoir, Philippe Martel
– Une instruction en langue basque du XVIIIe siècle, Bernard Oyharçabal
– Fables traduites en basque en pays basque de France au XIXe siècle : Archu (1848), Goyhetche (1852), Aurélia Arcocha
– École privée et impensé des « patois » au XIXe siècle, Pierre Pasquini.
– Jaurès et l’enseignement des langues régionales à l’école de la République, Jòrdi blanc
– La presse félibréenne et l’occitan à l’école durant l’entre-deux guerres, Yan Lespoux
– Jean-Pierre Lucciardi, « hussard noir » et pionnier de l’enseignement de la langue corse, Eugène Gherardi
– Louis Pastre (1843-1927), précurseur de l’enseignement intégré du catalan et du français, à l’école publique, Luc Bonet
– La puissante ténacité de l’obstacle de la langue bretonne, Fanch Broudic
– L’école primaire et les questions linguistiques en Alsace entre 1918 et 1940, Dominique Huck
– Éveilleurs d’occitan en Rouergue (1921 – 1970), Michel Lafon
– La question des langues régionales : un isolat idéologiques ? Pascal Ottavi
– Le traitement des « idiomes locaux » à l’école, en métropole et aux colonies : le cas de l’Algérie, Pierre Boutan.
– Suisse romane, Méditerranée séfarade, Tunisie coloniale… et Bretagne : frontières et complexité dans l’apprentissage du français contemporain, Patrick Cabanel.
– Instituteurs, école et occitan de la réalité à sa représentation littéraire – XIXe – XXe siècles, Marie-Jeanne Verny.
– Conclusions du colloque, Patrick Cabanel
Yves Griffon, La langue bretonne et l’école républicaine. Témoignages de mémorialistes, CRBC Rennes-2 – Université Européenne de Bretagne, 2008, 202 p. 15 euros.
(CRBC Université Rennes 2, dépt de breton et celtique, place du recteur Le Moal CS 24307 – 35043 Rennes Cedex, ISBN : 978-2-917681-00-8)
Compte-rendu critique par M.J. Verny :
Issu d’un travail universitaire, écrit avec élégance et clarté, l’ouvrage d’Yves Griffon s’ouvre par 85 pages de rappels historiques intitulées « Mise en place d’un enseignement républicain ; le breton en est exclu ». Le choix de la présentation chronologique met en lumière le rôle progressif joué par l’école quant au processus de substitution du breton par le français. Une place conséquente est accordée à l’interaction de ce processus avec le combat laïque. Cette partie historique s’achève sur la « prise de conscience de l’identité bretonne ».
La deuxième partie de l’ouvrage aborde les ouvrages étudiés, classés en trois catégories : récits autobiographiques, histoires de vie transcrites par un enquêteur, biographies croisées transcrites par un enquêteur. La troisième partie, intitulée « Une image de l’école à nuancer », analyse l’ensemble du corpus recueilli, qu’elle confronte à un complément de témoignages oraux recueillis par l’auteur de l’étude.
L’ensemble de l’ouvrage est fort instructif, au-delà même de la question des rapports du breton et de l’école.
La synthèse historique (Première partie) éclaire le lecteur sur les spécificités de la situation bretonne (qu’il s’agisse du rôle peut-être plus grand qu’ailleurs de l’Église ou de la collaboration d’une partie du mouvement breton avec l’occupant nazi), et permet des comparaisons fructueuses avec l’ensemble français concernant le rôle de l’école dans le destin des langues dites « régionales ».
L’originalité de l’ouvrage d’Yves Griffon réside dans l’étude systématique du corpus étudié dans la deuxième partie de son livre : 16 ouvrages au total, dont certains ont des auteurs connus au-delà de la Bretagne (Per-Jakez Hélias ou Anjela Duval). Ces témoignages, directs ou indirects, émanent tous de Bretons ayant connu l’école de la IIIe République. Ce corpus a été retenu par l’auteur après dépouillement de quantité de récits de vie édités au XXe siècle. Parmi ceux-ci, il a retenu ceux qui faisaient une place à l’école. Ces récits sont d’abord dépouillés suivant une grille comparative où sont renseignés les points suivants : nom de l’auteur, titre de l’œuvre, date de naissance, origine sociale, âge d’entrée à l’école, langue parlée, école fréquentée (publique ou privée), le breton, un interdit à l’école, la pratique du « symbole », réactions des élèves devant le « symbole », conséquences éventuelles, sentiments exprimés sur l’école.
L’auteur, enseignant de lettres classiques, complète ce dépouillement par une approche pertinente du type de textes étudié et de la spécificité du discours autobiographique, s’appuyant, entre autres, sur les travaux de Philippe Lejeune. Il n’ignore pas les rapports complexes qui lient la réalité et sa transcription, voire son récit oral et consacre une part de son étude à ce processus de « reconstruction du passé », ainsi qu’au « statut » de ce type de texte, entre œuvre littéraire et témoignage sociologique. Il aborde notamment la volonté exprimée par maint auteur d’élargir le récit singulier jusqu’au témoignage social : « Le « moi » de l’écrivain est présent à travers les multiples aventures personnelles qu’il narre, mais il lui importe aussi d’analyser « la singularité du conditionnement par le champ social où il s’inscrit » », dit Yves Griffon, citant une étude de Francis Favereau sur P.J. Hélias.
L’origine rurale de tous les témoins est étudiée, ainsi que la place de ce milieu dans le récit et le bouleversement global constitué par la scolarisation et son corollaire l’apprentissage du français : « L’apprentissage du français, langue des villes, « langue des bourgeois », introduit une mentalité urbaine dans une société rurale dont la langue risque d’en être déconsidérée, et fait de l’école le moyen du « passage entre deux sociétés, deux cultures » », dit encore Griffon.
Des pages passionnantes sont consacrées à la « reconstruction du passé » par les récits de vie, qui oscillent entre deux réalités, « la réalité vécue par l’auteur » et « la réalité historique, sociale, culturelle, qui influe sur la première ». Cette reconstruction, cependant, s’appuie sur « la volonté de dire la vérité, ou tout au moins sur une recherche d’authenticité ». Et ce jeu entre volonté de vérité et embellissement littéraire (relevant de la pratique poétique ou de l’exercice du conte, par exemple) est analysé avec beaucoup de subtilité, à partir de l’étude précise des textes. De même est analysée l’ambivalence des sentiments des témoins par rapport à l’écartèlement induit par leur scolarisation : entre regret nostalgique des origines et nécessité ressentie de quitter celles-ci, rupture sociale et rupture linguistique étant intimement corrélées, ce qu’analyse un chapitre intitulé « Des récits de vie : l’école et la « débretonnisation » ». L’interdiction du breton à l’école est unanimement rappelée par les témoins, ainsi que la variété des punitions liées à l’usage massif du « symbole ». L’analyse des sentiments exprimés par les témoins face à ces états de fait révèle un rejet global de l’école et de ses pratiques. Les témoins sont très sceptiques, pour le moins, sur l’efficacité des méthodes d’apprentissage du français : « nous apprenions une langue que nous ne parlions pas, et nous parlions une langue que nous n’apprenions pas », dit un des témoins… Cependant, la plupart d’entre eux notent le sentiment de honte induit par les mêmes pratiques scolaires à l’égard de ce qu’ils étaient, sentiment exprimé par quantité de formules souvent violentes. « L’acquisition du français est apparue comme une nécessité, et le breton, proscrit de l’école, « synonyme de pauvreté, symbole d’ignorance et promesse de dérision » », résume Griffon, citant Le Cheval d’orgueil d’Hélias.
Nous avons souligné les qualités de l’ouvrage d’Yves Griffon. Ajoutons le souci que révèle sa troisième partie « Une image de l’école à nuancer » : ne pas s’en tenir à l’impression massive révélée par les témoignages d’écrasement d’une culture. Comprendre le rôle joué par les intéressés eux-mêmes dans ce processus, entre adhésion volontaire et aliénation. « La politique de francisation par l’école s’est traduite par le rejet du breton, et les conséquences préjudiciables qui en ont résulté pour les bretonnants. » Griffon ébauche un élargissement de la perspective à d’autres régions de France et d’ailleurs, comme la Sardaigne, en s’appuyant toujours sur un corpus littéraire. Mais il a le souci de montrer comment les témoins pouvaient parfois adhérer au projet conçu pour eux par l’école républicaine. Conséquence logique du statut des « écrivants » analysés : c’est leur accès à l’instruction qui leur a permis le retour réflexif sur les conditions de celle-ci, il n’est donc pas surprenant de les entendre tour à tour déplorer la fin d’une époque et d’une civilisation, les attaques imposées à une culture… et le plaisir trouvé dans l’apprentissage d’une autre culture. Le chapitre II de cette deuxième partie est consacré à « L’emploi du breton par les instituteurs », et nous y retrouvons des échos des figures de Pastre, Mouly, Lucciardi, analysées par L. Bonet, M. Lafon ou E. Gherardi dans l’ouvrage que nous avons coordonné avec Hervé Lieutard, L’École française et les langues régionales. Enfin, Yves Griffon a tenu à compléter son analyse du corpus écrit par celle de témoignages oraux.
La conclusion de l’ouvrage ouvre sur une perspective positive, celle du retour du breton à l’école : « Nous rejoignons ici le rêve déçu de Guillaume Kergoulay : « Il fallait nous apprendre en même temps les deux langues au lieu de nier l’une au profit de l’autre. Le bilinguisme aurait été notre richesse. » Est-ce possible, aujourd’hui ou demain ? »
Remarquons l’abondante bibliographie qui clôt le livre d’Yves Griffon et qui ajoute aux références de son corpus de textes le signalement d’ouvrages généraux sur la situation bretonne et l’enseignement en France, ainsi que d’études spécialisées portant notamment sur le breton et l’école (79 références).
On ne peut que déplorer, après la lecture de cet ouvrage, le décès prématuré de l’auteur qui venait de reprendre des études de breton une fois arrivé à la retraite. Son ouvrage mettait en lumière un souci d’échapper aux stéréotypes quels qu’ils soient, une recherche scrupuleuse de la nuance, le souci de l’exactitude historique et le maniement précis des outils les plus récents d’analyse du texte, qualités qui relevaient à la fois des méthodes de l’historien et de celles du littéraire.
L’ouvrage édité par nos collègues de Rennes n’en est que plus précieux par les pistes qu’il donne. Dans le cadre du travail de notre équipe de recherche, si j’ai pour ma part, analysé la place de l’école et de l’occitan dans trois récits de vie du siècle dernier, les grilles d’analyse utilisées par Y. Griffon devraient nous permettre de travailler sur un corpus plus important après avoir bien sûr, dans un premier temps, comme il l’a fait pour la matière bretonne, soigneusement constitué le corpus.
Pascal Ottavi, Le bilinguisme dans l’école de la République ? Ajaccio, éditions Albiana, 2008, 600 p., ISBN 978-2-84698-276-4
Cette étude vise à dresser une sorte de portrait historique de la langue corse : comment un vernaculaire relégué au rang de patois par une longue tradition culturelle nationale devient-il une langue ? Dans quelle mesure cette affirmation linguistique est-elle compatible avec la mondialisation et avec le projet traditionnel de socialisation de la jeunesse défini par le modèle républicain classique ?
Pour répondre à ces questions, on a procédé ici à un double choix méthodologique. Premièrement plusieurs approches disciplinaires sont mobilisées : l’histoire politique générale, celle des disciplines scolaires, mais aussi la sociologie de l’éducation, à travers la sociologie des savoirs et celle du curriculum. Deuxièmement, au croisement voulu de différentes disciplines s’ajoute une procédure de travail qui, pour chaque partie, consistera à présenter les faits et à les mettre en relation avec un contexte général afin de les analyser avec la pertinence nécessaire, une fois rassemblées les données indispensables.
Quatre parties vont permettre la mise en objet du corse en tant que langue et en tant que discipline scolaire. La première se voit entièrement consacrée à l’émergence d’une identité linguistique nouvelle en France. La seconde partie traite spécifiquement du rapport langue-nation sous la IIIe République. La troisième partie s’ouvre sur la remise en cause du socle positiviste des savoirs scolaires, qui s’incarne dans le modèle de l’intérêt général ; on passe ensuite à l’émergence d’une revendication qu’accompagnent des avancées législatives et réglementaires ainsi que des initiatives de terrain. La quatrième et dernière partie explore différentes pistes ; elle dresse le bilan actuel de l’existant, de l’enseignement bilingue à la loi de janvier 2002 ; elle fait également état de l’originalité de l’enseignement d’une langue à norme multiple et pose, in fine, dans un contexte global en mouvement, la question de la pluralité culturelle dans un vieil État-Nation.
Table des matières :
1ère partie : la naissance d’une langue
chap. 1 : une nation, une langue
chap. 2 : l’institution du français en Corse : une avancée lente et difficile
chap. 3 : de la gangue à la langue
2ème partie : la République et ses langues
chap. 1 : une bonne étoile dans la constellation des petites patries ?
chap. 2 : les dialectes et patois au service du français
chap. 3 : la circulaire de Monzie : la césure de 1925
chap. 4 : des jalons pour une reconnaissance
3ème partie : de l’avènement à la mise en œuvre
chap.1 : une pensée contestée
chap. 2 : entre reconnaissance formelle et affirmation
chap. 3 : des éléments de structuration et d’ancrage
chap. 4 : la configuration d’une offre d’enseignement : principales étapes
4ème partie : l’enseignement bilingue, un processus de constitution
chap. 1 : cadre politique et cadre scolaire
chap. 2 : quelle mise en forme disciplinaire ?
chap. 3 : une question socialement vive
5ème partie : l’enseignement bilingue, questions et perspectives
chap. 1 : situations, perspectives
chap. 2 : du bilinguisme à l’école.
Philippe Martel, L’école française et l’occitan. Le sourd et le bègue, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, Coll. « Études occitanes » n°2, 2007, 190 p., 15 euros.
Compte-rendu critique rédigé par Hervé Terral
Philippe Martel, chercheur au CNRS et chargé de cours à l’université de Montpellier, est un historien reconnu du fait occitan, « historien de l’Occitanie » comme l’indique dans sa préface Robert Lafont – qui ne manque pas de souligner d’entrée la difficulté de la posture dans le champ universitaire français (et spécifiquement français !) contemporain. Le temps semble passé, en effet, où un Emmanuel Le Roy Ladurie faisait rayonner le terme à partir de son Montaillou village occitan (1975), où l’Institut d’études occitanes faisait paraître chez Hachette une volumineuse Histoire de l’Occitanie (1979) sous la direction des deux Robert : le même Lafont et le regretté démographe toulousain Armengaud, vaste entreprise à laquelle Martel apporta toute sa contribution (soit le quart d’un ouvrage dont on aimerait bien qu’il fût réédité !). On se réjouira donc de l’initiative des Presses universitaires de la Méditerranée de donner à (re)lire un ensemble d’articles ou de communications de colloques conçus pour l’essentiel dans la décennie 1990 et devenus d’accès difficile aujourd’hui.
Les récents débats du printemps 2008 sur une éventuelle mention des « langues régionales » dans la constitution révisée (et à quelle place : de l’article 1 – langues patrimoniales ‑ à l’article 74 – langues de la décentralisation, en sautant l’article 2 sur la langue nationale) montrent à l’évidence toute l’acuité des travaux de Martel. N’a-t-on pas entendu alors, exemple parmi d’autres, dans une émission dominicale de France Culture consécutive à la messe un éminent chroniqueur du Nouvel Observateur lier sans autres commentaires (superflus?) la dimension patrimoniale des dites langues et l’ancienne Révolution nationale chère au maréchal Pétain ? CQFD ! C’est à cette délicate question, fortement marquée de « pré-jugés », que Martel consacre au demeurant le 6ème article de son livre, situant l’enseignement de l’occitan dans un contexte politique d’ensemble et cherchant par delà les « apparences », on a envie d’écrire les fantasmes parfois, les strictes « réalités » : ainsi, si l’arrêté du 27 décembre 1941 dû au Secrétaire d’Etat à l’Éducation nationale et à la Jeunesse Jérôme Carcopino est bien le premier texte officiel concernant l’enseignement des « langues dialectales » dans le primaire, il y eut loin de la coupe (félibréenne, si l’on ose dire !) aux lèvres… Si Carcopino abolit au même moment les « devoirs envers Dieu » dans l’école républicaine (pour les remplacer par le « culte des Héros et des Saints », il est vrai) – ce qui est tout à fait ignoré de nos jours –, il n’eut guère les moyens d’imposer, dans son bref passage aux affaires, quoi que ce soit. Il faudrait chercher les débuts de réalisations concrètes du côté d’associations telles que le Collège d’Occitanie, sis à Toulouse et dirigé par l’abbé Salvat, ou des Grelhs roergats de l’instituteur-écrivain Enric Mouly, curieusement non mentionnés par Martel : ils n’ont pas, grosso modo, à rougir de leur travail (cf. le 1er Congrès du Collège d’Occitanie, sis alors à Rodez ; le Congrès de phonétique occitane, sis à Toulouse).
Le propos de Philippe Martel n’en est pas moins complet, construisant un continuum théorique et une mise en perspective historique fort probants. Partant d’une analyse générale sur « le patois à l’école » (premier article), Martel expose les avatars des oppositions sur deux siècles (XIXe-XXe siècles) : du « refus poli » au « verrouillage citoyen », en passant par les « concessions maussades ». La figure du « refus poli » fut celle de la IIIe République où les « Méridionaux » tinrent le haut du pavé officiel et même le char de l’État : pour autant nombreux furent les « faux amis », tels Leygues ou Daladier, prêts à défendre les « petites patries » mais surtout pas l’enseignement de la langue d’oc, fût-elle chère à leurs oreilles (Mistral faisait quand même remarquer en 1898 qu’on enseignait l’anglais, l’allemand… et même l’arabe en Algérie). Puis, sous les coups répétés du « bègue » (l’occitan), vint de la part du « sourd » (l’État) le temps des « concessions maussades », dont la loi Deixonne (1951) représentera l’expression majeure. Aujourd’hui la réthorique de la « citoyenneté » tend à restreindre autant que faire se peut tout ce qui pourrait menacer la France via le communautarisme, par exemple la ratification de la Charte européenne contre laquelle un front éminemment composite se déploie de l’extrême-droite à l’extrême-gauche en passant par le gaullisme statufié et le socialisme cocorico… Les arguments changent, dans leur expression, au fil du temps, non dans leur esprit.
À partir de cette analyse princeps, Ph. Martel peut nous présenter des variations. En premier, la politique de la IIIe République et de ses pédagogues (3e et 5e articles) qui n’est pas toujours faite d’oppositions brutales, mais parfois de compréhension limitée : l’occitan, connu des élèves, peut à l’occasion les aider à mieux orthographier le français (exemple rabâché : le participe passé et sa terminaison). Ainsi, en 1872, le professeur au Collège de France Michel Bréal n’est pas du tout favorable à « l’enseignement des patois », mais il n’exclut pas que de bons auteurs lus (Mistral, Jasmin, etc.) soient à l’occasion dans les écoles – car, pour lui, selon une formule frappante, l’école doit « tenir au sol » sous peine d’être inefficace (les prêtres, dit le même Bréal, le savent fort bien !). C’est finalement là la position des pédagogues « pro-patois » sous Vichy, mais aussi celle d’un Célestin Freinet qui ne fut pas du tout de ce bord politique ! La Libération verra se développer, dans le même esprit, la « pédagogie du milieu ».
Pour autant, les oppositions furent dans l’ensemble vives (un euphémisme !). Martel nous le montre sur deux terrains. Celui du débat parlementaire des années 1948-1951 : ainsi, le vote de la loi Deixonne, première loi républicaine de tolérance linguistique, ne fut pas du tout une partie de plaisir (ledit Deixonne, député socialiste du Tarn, n’étant pas au demeurant un des plus grands défenseurs de la Cause, comme eût dit Mistral en son temps (article 7). De même, dans le champ scientifique, le linguiste Albert Dauzat (1877-1955), originaire de la Creuse, s’affirma-t-il comme un adversaire résolu de la proposition de loi (article 8), parmi bien d’autres intellectuels et d’honorables institutions toujours en course aujourd’hui (l’Académie française, le Sénat…). Pour autant, le camp des défenseurs de l’enseignement de la langue d’oc ne fut pas sans défauts. Martel aborde ce point par ses articles 2 et 4. Ainsi parle-t-il d’une « impossible politique linguistique occitaniste » (et rien de moins !) en général et d’un déficit du Félibrige à l’occasion d’une campagne et d’un débat interne en 1911 (cf. le marquis de Villeneuve-Esclapon et sa revue Occitania) : hier comme aujourd’hui, le mouvement semble paralysé entre une option maximaliste (l’occitan rétabli dans toute sa dignité nationale, voire étatique) et une option minimaliste faite de bricolage au fil des circonstances (« l’occitan comme « plus » culturel offert par un système culturel allogène »).
Le livre se clôt par une « présentation des principaux personnages » connus (Mistral, Perbosc) ou moins connus (Berthaud, Gaidoz) : très ramassée, elle est bienvenue. Une bibliographie de deux pages est présentée en fin d’ouvrage ; elle va à l’essentiel mais n’a pas été vraiment actualisée (la référence la plus récente est de 2003) et certains oublis sans doute involontaires, dans la décennie 1990 même, interrogent : pourquoi mentionner Chanet, L’école républicaine et les petites patries, 1996, et non Thiesse, Ils apprenaient la France, 1997 ? Cette ultime remarque n’enlève rien à la qualité d’ensemble du livre dont on ne peut que recommander une lecture attentive (comme pour d’autres articles de l’auteur, non repris ici mais mentionnés dans la bibliographie).
En conclusion donc : une excellente initiative de Philippe Martel, chercheur et acteur de l’enseignement de l’occitan, et des Presses universitaires de la Méditerranée.
Hervé TERRAL
Laboratoire LISST umr 51-93 Université de Toulouse-Le Mirail/CNRS/EHESS.
Thèses :
– COUFFIN Patrick, Cinquante ans d’occitan dans l’enseignement public, entre légitimité et légalité (L’enseignement du Languedocien : à l’école, au collège et au Lycée). 332 p. (+ 350 p. Annexes) Thèse : Études Occitanes : Montpellier III : 2008.
– LESPOUX Yan, Un demi-siècle de revendication en faveur de l’enseignement de la langue d’oc (1940-1990) : enjeux, projets et réalisations. 541 p. (+ 264 p. Annexes) Thèse : Histoire : Pau : 2009.
À signaler aussi :
Sur internet, un article de Michel Youenn, auteur d’une thèse sur le breton et l’école :
École et langues régionales en France, Quelques perspectives sur l’histoire des lycées au XXe siècle : http://www.lycee-chateaubriand.fr/cru-atala/publications/Michel.htm