Colloque de la FLAREP Nice – témoignage Jérémie Marçais : Apprendre à comprendre / Enseigner la compréhension écrite ou orale dans divers niveaux

Enseignant bilingue à Nice depuis 10 ans, je travaille depuis plusieurs années uniquement en Occitan, sur 2 classes. La répartition est telle que je peux travailler, selon les années, de la maternelle au CM2. Je vais ici essayer de me concentrer sur la charnière qu’est le cycle 2 en débordant légèrement sur la grande section.

Note FELCO : on trouvera sur ce lien l’intégralité du diaporama présenté : 2401-26-Jeremia- FLAREP -apprendre à comprendre – site felco

Un constat

Lors d’une animation pédagogique sur l’enseignement du français, on nous a présenté une étude de grande ampleur qui montrait qu’hors du cycle 1 et du cycle 3, la compréhension était très peu enseignée (pour ne pas dire pas du tout) et les tâches les plus récurrentes étaient peu pertinentes (quizz, qcm, questions/réponses) pour aider à la compréhension. J’ai donc décidé de prendre un peu de recul sur ma pratique et de changer ma manière de travailler. Il me semblait que cette réflexion était encore plus importante dans le cadre de l’enseignement du nissart. Avec mon épouse, enseignante également, nous avons donc décidé de créer une banque d’activités, destinée à nous permettre de varier les que je vais vous présenter.

Quels ouvrages ? De la littérature et des documentaires.

  • Des auteurs de jeunesse en Occitan (et ce n’est pas un hasard si ce sont deux anciennes enseignantes : Monique Lombardo e Terese Pambrun)
  • Des albums édités par le réseau CANOPE  : le CAPOC et le SCEREN de Montpellier.
  • Des traductions (Petit Prince et Petit Nicolas) qui nous ont par exemple permis de participer à des projets qui sortent de la classe.
  • Des documentaires bilingues et de qualité.

Ces albums sont choisis principalement sur 3 critères :

  1. leur structure répétitive qui permet
  • de faciliter la lecture
  • de montrer une progressivité dans l’histoire (animaux de plus en plus gros par exemple) et donc d’être construits sur une certaine logique qui permet derrière un travail sur la reconstitution de l’histoire et la possibilité de se baser sur des éléments concrets

2. leurs liens avec la réalité de proximité des élèves

  • fêtes connues (Noël),
  • géographie de la ville,
  • histoire avec un grand H et (notamment pour la série documentaire de la Mairie de Nice)
  • possibilité d’aller sur place en amont ou en aval de l’étude (albums liés à des classes transplantées en montagne ou à la mer, documentaires liés à la visite de musées municipaux comme celui de Terra Amata pour la préhistoire ou celui de Cimiez/Cemenelum pour l’Antiquité)

3. L’existence de personnages attirants pour les élèves (petite souris mignonne, personnage de leur âge…) : lo secret, hòu Ja, De qu es ?  ont des illustrations particulièrement adaptées et les enfants ont envie de participer, de jouer les personnages.

Que travailler ? Ce qui est important, c’est de mettre les élèves en situation de « faire » :

  • Relever/surligner/entourer
  • Classer dans des tableaux
  • Écrire bien sûr
  • Reconstituer
  • Relier
  • Et vous le verrez, très souvent avec moi, dessiner et petit à petit schématiser.

Pour cela, il ne faut pas hésiter à les laisser manipuler les mots, les phrases et les paragraphes. Par exemple grâce à des systèmes d’étiquettes à découper/coller mais aussi de modèles à recopier.

Le plus important lors des discussions avec les élèves est aussi de faire ressortir l’implicite, les inférences, les mécanismes de pensée et de réaction des personnages qui peuvent sembler évidents aux lecteurs experts mais pas toujours aux élèves.

Je vais vous présenter le travail que je fais en lien avec mes albums mais tout cela est également possible avec des activités décrochées sur des textes plus courts comme de la poésie par exemple ou encore des fables.

Quelles activités à l’oral ? Il y a plusieurs types d’exercices à systématiser

  • Il y a bien sûr la mise en scène, devant la classe voire même mise en scène filmée comme nous l’avons déjà fait avec le collègue Patrice Arnaudo intervenant aussi aujourd’hui.

Cette mise en scène permet aux élèves de se mettre à la place des personnages et d’aider à comprendre ce qu’ils ressentent et pourquoi ils réagissent de telle ou telle manière.

  • Le travail de flash-cards que je fais en amont des séances et qui permet aux élèves de ne pas se confronter à trop de nouveautés et découvertes lexicales au moment ils découvrent le texte.

J’ai des petites boîtes de cartes que je complète au fur et à mesure de l’avancée dans les épisodes de l’album. Ces boîtes peuvent également contenir accessoires, marottes…

  • Les céucle de racont

C’est une idée de la CPD dont je parlais en début de présentation. L’idée est de mettre les élèves en cercle et de leur demander de raconter l’histoire collectivement, chacun son tour. Le but étant de commencer avec le 1er élève et de finir la dernière phrase avec le dernier élève de la chaîne. Il faut alors moduler l’avancée du récit pour que tout le monde parle tout en évitant que le dernier élève raconte 80 % de l’histoire.

Quelles activités à l’écrit ?

  • Dessiner

C’est un travail très important qui me permet de vérifier dès la GS ce que les élèves comprennent. Il permet aux élèves qui ne savent pas encore écrire de s’exprimer quand même sur le papier. Il me permet de vérifier la compréhension fine sans passer par la traduction. Les premiers dessins que je demande en grande section sont des mots de vocabulaire assez simples à lire ou à retenir : nom des personnages de l’histoire, vocabulaire des animaux, couleurs… Mais, petit à petit, et jusqu’au CM2, cela me permet de faire des phrases avec des détails et de vérifier la compréhension fine de mes élèves en jouant sur les couleurs, le nombre de personnages…

  • « Il y a 3 pommes et 2 aubergines sur la table. »
  • « Le médecin a un chapeau noir sur la tête et deux rois sont allongés à côté de lui. »
  • « La magicienne Circé est à genoux pendant qu’Ulysse la menace de son épée… »
  • Chercher dans un texte

En fin de Grande section,  les élèves cherchent des mots dans des listes de mots plus ou moins proches, avec modèle. Petit à petit, le but est de chercher des mots à partir d’une illustration (sans modèle écrit) et de chercher ces mots non plus dans un tableau mais dans une phrase puis dans un texte.

Le vocabulaire présenté à l’aide des flashcards est souvent à chercher. Ce travail permet aux élèves d’apprendre à se repérer dans le texte. Il permet aussi de défricher le travail en début de semaine et de confronter les élèves à des textes de plus en plus longs tout en leur donnant des clefs, des aides pour ne pas être perdus.

  • Associer

Associer est un travail qui commence également en GS. Au début, il s’agit d’associer un mot avec une image, souvent une image générique différente de l’illustration de l’album.

Puis petit à petit, il faut associer des scènes dessinées et des petites phrases voire des paragraphes. Et rapidement, le but est d’associer des phrases qui ont des significations proches, soit à l’aide d’étiquettes soit à l’aide de cases à colorier de la même couleur par exemple.

  • Remettre dans l’ordre chronologique

Travail très important dans la compréhension : l’ordre chronologique. Encore un travail qui peut commencer dès la PS, avec des images de l’histoire comme avec des images séquentielles. On commence avec 3 images et on peut finir avec une 10aine en CM. Cela met en valeur l’importance du choix des albums, parce qu’il faut que les élèves puissent s’appuyer sur une certaine logique dans leur construction mentale avant de s’attaquer à des œuvres dont la progression est moins linéaire.

Le travail commence avec la mise en ordre d’illustrations mais quand les élèves savent lire, on passe à la mise en ordre de l’apparition des personnages de l’histoire avec juste des mots puis des petites phrases et enfin des paragraphes entier.

J’associe souvent ce travail à de l’illustration, d’une part pour les élèves qui finissent très vite mais aussi pour aider les élèves à chercher des informations dans les écrits. Parfois, je leur demande même d’entourer le mot ou les mots qui lui ont permis de classer l’étiquette ou de dessiner ce qu’ils avaient compris.

  • Compléter

Il s’agit d’aider les élèves à chercher ce qui manque dans un texte et pour cela il faut essayer de comprendre l’écrit. On peut commencer avec des textes à trous, avec ou sans modèle, puis de passer à des exercices plus compliqués où l faut trouver la fin ou encore plus compliqué, le début d’une phrases. De la même manière, cela peut prendre la forme d’étiquettes à coller comme de trous à remplir en production d’écrits.

  • Produire

Je passerai rapidement sur la production d’écrits qui nécessiterait énormément de temps. Mais bien entendu, les séances de production d’écrits peuvent s’ancrer dans la continuité de l’étude de l’album, de la littérature.

Utiliser le vocabulaire pour créer un épisode sur le même modèle, inventer la suite/la fin. Et pour éviter la page blanche, je n’hésite pas à utiliser des cartes ou des tableaux avec des dés pour que tout le monde puisse écrire (puis illustrer sa production).

Le plus important quand on fait le lien production d’écrits/album, c’est l’explication de ce qui n’est pas dit, l’implicite, les pensées des personnages. Un exercice facile à mettre en place et l’utilisation des bulles de pensées.

  • Prendre des notes / légender

Pour finir, 2 activités que j’aime beaucoup, que je commence dès le CP également et qui mêlent compréhension écrite et orale : la prise de note et le légendage.

À partir d’un texte lu par l’adulte, le but est de prendre des notes guidées pour repérer les éléments clefs dans la compréhension du texte : on début on ne doit relever qu’une chose : les animaux de l’histoire, les lieux de l’histoire… Puis les élèves illustrent les extraits du texte que je leur lis.

Quand les 2 ou 3 illustrations ont été faites, je leur donne la version écrite du texte, ils doivent alors chercher dans le texte, ce qu’ils ont décidé d’illustrer . Cela peut être un mot tout comme une phrase expliquant une action. Une fois le passage écrit trouvé, ils doivent le découper et légender le texte en collant ce qu’ils ont découpé à côté de l’illustration.

Conclusion

Voici donc une batterie d’exercices pensée pour aider les élèves à comprendre, notamment dans le cadre d’un enseignement bilingue. Ce résultat est le fruit, d’une part, d’études à grandes échelles menées dans le cadre de la recherche universitaire et, d’autre part, de la pratique de plusieurs enseignants depuis de nombreuses années dans leurs classes.

Merci à Marie-Jeanne Verny pour la modération, merci à mes enfants pour les travaux présentés, merci à mon épouse pour la co-réalisation des activités présentées,

Merci pour votre lecture attentive !

Ce contenu a été publié dans Experiéncias pedagogicas, FLAREP - Actes du Colloque, Pedagogia e recèrca. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.