Intervention de Benjamin Duinat, agrégé d’histoire, doctorant en histoire contemporaine (univ. Paris Sciences et Lettres et Complutense de Madrid), ATER d’histoire contemporaine (univ. de Poitiers).
salle A 105, Université Paul Valéry, Route de Mende – 17 h 15 à 18 h 30.
Prenons comme point de départ une remarque formulée par Wilhelm von Humboldt, homme politique et érudit prussien qui effectue un voyage au Pays Basque au début du XIXe siècle. À ses yeux, les frontaliers Basques d’Espagne et de France vivent naturellement les uns avec les autres dans le cadre d’une communauté quotidienne, ils appartiennent au même peuple et parlent la même langue. De nombreux commentateurs ont ainsi souligné les similitudes existant entre Basques de part et d’autre de la limite géopolitique. Victor Hugo, par exemple, ne dit pas autre chose au sujet d’un voyage effectué en 1843 : pour lui, un lien profond – la langue – unit les Basques en dépit des frontières.
Mais au cours du XIXe siècle, un mouvement a également été mis en évidence : pour Humboldt, encore une fois, la guerre des Pyrénées opposant l’Espagne des Bourbons à la France révolutionnaire, entre 1793 à 1795, a fortement accentué le clivage frontalier ; et dans un article paru en 1867, le géographe anarchiste Élisée Reclus avance que les Basques forment un peuple qui s’en va : peu à peu, il perdrait ses spécificités pour se fondre dans un ensemble plus vaste, puisque la centralisation administrative le rattacherait d’un côté à Paris, de l’autre à Madrid. Cela signifie par conséquent, ajoute Élisée Reclus, que suivant le pays auquel ils appartiennent politiquement, les Basques deviennent toujours davantage soit Espagnols soit Français. Par le biais d’une nationalisation des masses, les populations frontalières du Pays Basque tendraient à se tourner progressivement le dos.
À travers l’étude de divers types de sources et documents d’archives, il s’agit de s’interroger sur l’apparition d’une altérité contigüe opposant les populations basques de l’espace frontalier franco-espagnol à l’âge des États-