Chers députés signataires : couvrez ce recours que l’on ne saurait voir !
Le jeudi 22 avril, le Secrétariat général du Conseil constitutionnel a enregistré un recours (2001-818 DC) adressé par « plus de soixante députés » contre la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. Alors que le président de la République dispose d’un délai de quinze jours pour promulguer les lois après leur adoption définitive au Parlement, Emmanuel Macron, en retardant sa décision, a laissé la porte ouverte à ce recours, adressé à la fin du quatorzième jour, et suspendant de facto la promulgation de la loi.
Notre collectif exprime sa profonde stupéfaction : car la lecture de l’article de « La lettre A » publié lundi 26 avril, nous apprend que ce recours a en réalité été rédigé par une conseillère du ministre Jean-Michel Blanquer, ce qui a été confirmé le même jour par des proches du ministre au journal « Le Parisien ». Cette implication d’un membre du Gouvernement nous interroge, alors que le Premier ministre, tout comme le président de la République n’ont eux-mêmes pas souhaité faire usage de leur pouvoir de saisine du Conseil constitutionnel. Dès lors, une question se pose : le ministre de l’Éducation nationale s’est-il affranchi, sans le dire, de la position choisie par le Premier ministre et le Président ?
Par ailleurs, sur quoi porte précisément ce recours, et quels en sont les auteurs ? Le mystère plane sur cette question et notre collectif s’interroge devant une telle omerta de la part des parlementaires auteurs de la saisine. Supposée être à son origine, la députée des Yvelines Aurore Bergé refuse d’en transmettre le contenu ainsi que la liste des signataires. Comment des parlementaires, élus par le peuple, dont les prises de position dans l’hémicycle sont publiques, dont les votes sont également publics, peuvent-ils refuser de rendre public l’objet de leur saisine et d’assumer cette initiative face aux citoyens, à la suite du vote d’une proposition de loi adoptée par les deux assemblées ? De quoi ont-ils bien peur ? De la démocratie ? De permettre aux défenseurs de cette proposition de loi de répondre point par point aux arguments qu’ils ont développés ? Nous leur demandons expressément de faire connaître leur choix devant les citoyens. Il en va de leur honneur et de celui de leur haute fonction au service de l’État de droit.
La situation paraît même ubuesque lorsque l’on découvre que, selon la procédure en vigueur au sein du Conseil constitutionnel, c’est le Secrétariat général du gouvernement, placé sous l’autorité du Premier ministre, qui devra défendre la loi lors de l’instruction du dossier par les Sages de la rue de Montpensier. Pourtant, c’est bien au nom du Gouvernement que le ministre Jean-Michel Blanquer, s’est opposé, en vain, au vote de cette loi lors des débats le 8 avril. Pire, c’est au sein même des rangs du Gouvernement que le texte de cette saisine a été rédigé ! Dès lors, il est permis de douter que la volonté des parlementaires, manifestée démocratiquement par un vote emporté par 247 voix contre 76, sera réellement et sincèrement défendue lors de cette instruction.
Notre collectif tient à faire connaître le plus largement possible son indignation, sinon son écœurement, face à cette anomalie démocratique. Et d’ores et déjà, il adressera dans les prochains jours une lettre à Monsieur Jean Castex afin d’obtenir la plus grande clarification autour de ce que nous ne pouvons qualifier aujourd’hui autrement que comme une affaire d’État.
Le collectif Pour Que Vivent Nos Langues