Remarques
- ce courrier a été accompagné d’un tableau comparatif mettant en évidence les graves effets de la réforme : 1811-03 Comparaison place LR dans RL Tableau
- visualiser la version PDF du courrier : 1811-02-FELCO-M.E.N.-réforme du lycée et enseignement des langues régionales
Yan LESPOUX
Président de la FELCO
à
Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale
Monsieur l’Inspecteur Général des langues de France
Monsieur le Conseiller langues régionales
Objet : réforme du lycée et du baccalauréat et situation des langues régionales
Notre association a pris connaissance de la réponse du Ministère, datée du 26 juillet, aux questions que nous posions à propos des conséquences de la réforme du lycée et du baccalauréat sur l’enseignement des langues régionales. Nous savons que ces questions ont été relayées par un certain nombre d’élus que nous remercions de leur soutien.
Nous avons donc soumis cette réponse à nos adhérents, et, après une rentrée qui s’est avérée compliquée pour beaucoup d’entre eux, le moment est venu de vous faire part, Monsieur le Ministre, des remarques que la réponse du vos services nous inspire.
« Le cadre d’enseignement des langues régionales au Lycée n’est en rien modifié par la réforme du baccalauréat », y lit-on : cette affirmation audacieuse (pour ne pas dire cette fausse nouvelle !) n’a que peu de rapports avec la réalité, comme le montre assez clairement le tableau en annexe (1811-03 Comparaison place LR dans RL Tableau).
– Qui peut croire que la suppression de la série L n’a aucune incidence sur ce « cadre d’enseignement » ?
Dans cette série, il était possible de choisir la langue régionale comme LV2, à l’écrit comme à l’oral, avec un coefficient 4 représentant un peu plus de 10 % de la note finale. Ce coefficient était doublé si l’élève choisissait l’enseignement dit approfondi. La langue régionale pouvait par ailleurs être choisie comme LV3.
– Dans les autres séries (ES et S, voie technologique), l’occitan pouvait être choisi, mais en LV2 seulement, et avec des coefficients nettement moins avantageux.
Comme par hasard, après fusion des anciennes filières, c’est par le bas que l’harmonisation a été effectuée : la « réforme » proposée conserve la LV2 (désormais appelée LVB), et elle seule, dans le cadre des enseignements communs, sur le mode du contrôle continu, avec un coefficient qui ne représente plus que 6 % de la note finale. Et on serait là dans un « cadre d’enseignement modifié en rien » ?
On pourra encore, nous dira-t-on, choisir une langue régionale en troisième langue vivante (LVC dans la terminologie nouvelle). Cette possibilité ne s’inscrit plus dans le cadre des enseignements communs jusqu’ici possibles en série L, mais uniquement comme enseignement optionnel, en concurrence avec quatre autres options. Par ailleurs, dans la voie technologique, cela n’est autorisé que pour une filière (hôtellerie et restauration).
Pour les deux épreuves facultatives possibles jusqu’ici, seuls étaient pris en compte les points au-dessus de 10, avec un coefficient 2 en première option et 1 en seconde option facultative. Avec la réforme il n’y aura plus qu’une option facultative pour les langues et cette seule option possible n’aura plus d’attractivité car elle ne représentera plus que 1% de la note finale et qu’elle pourra faire perdre des points, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Au passage, depuis des années, les associations de promotion des langues de France (et la FELCO encore il y a quelques semaines à peine) demandaient que ce coefficient soit aligné sur celui dont bénéficient les langues anciennes (coeff. 3) : cette demande, qui pourtant ne coûtait rien, n’a jamais été prise en considération sans qu’aucune explication ne nous soit jamais fournie. Or, dans la réforme proposée, non seulement les langues anciennes conservent leur coefficient, mais elles se trouvent la seule option cumulable avec une autre. Est-il à ce point absurde de réclamer le même statut pour des langues qui appartiennent au patrimoine national selon l’article 75-1 de la constitution ?
Une énigme que nous soumettons à votre sagacité, à propos des candidats n’ayant bénéficié d’aucune préparation dans leur lycée, qui pouvaient jusqu’ici présenter cette option facultative en candidat libre. Or, désormais, on se trouve face à deux textes qui se contredisent. Pour l’un, l’accès à l’épreuve est désormais subordonné à l’inscription dès la classe de première à un cours organisé dans l’établissement : de tels cours étant loin d’être proposés partout, faute d’enseignants en nombre suffisant, on mesure quelle déperdition cela en-traînerait. Mais voilà que dans un «projet d’arrêté de Contrôle continu » on lit : « Les candidats qui ne suivent les cours d’aucun établissement, les candidats scolarisés dans les établissements d’enseignement privés hors contrat et les candidats inscrits au Centre national de l’enseignement à distance sont, à la fin de l’année de terminale, convoqués par le recteur de l’académie de leur résidence ou par le vice-recteur à une épreuve ponctuelle pour chaque enseignement faisant l’objet du contrôle continu. ». Qui croire ?
On remarque par ailleurs qu’il n’y aura plus de parcours d’excellence avec la possibilité d’évaluer le niveau B2 alors que cela était possible avec la LV2 de spécialité et que les parcours bilingues ne sont pas pris en compte.
L’ensemble de ces modifications, toutes plus dévalorisantes les unes que les autres, risque de dégrader l’image de l’enseignement de la langue régionale aux yeux des élèves. Le ministère aura dès lors beau jeu d’en conclure à la non-attractivité de notre discipline, et il est peu probable que cela l’incite à prendre des mesures propres à lui restituer cette attractivité. Qui dès lors osera blâmer certains des membres de notre association d’en conclure que le but inavoué et inavouable du ministre est tout simplement de saborder cet enseignement ?
Pour résumer, la réponse lénifiante concédée par le ministère à nos demandes, ainsi qu’à celles de nombreux élus, ne peut en aucun cas être considérée comme satisfaisante. Les professionnels qui se dévouent à la promotion des langues de France ne sauraient l’accepter.
C’est la raison pour laquelle nous demandons une véritable concertation pour que soient opérés les réajustements nécessaires permettant une véritable relance de l’enseignement des langues régionales conformément aux besoins, aux engagements de la France et de son président.
Notre association, en synergie avec les associations de promotion des autres langues vivantes et avec les organisations syndicales ne manquera pas, d’ores et déjà, de transmettre aux élus et aux organisations syndicales sa lecture argumentée de la réforme et de leur demander d’intervenir auprès du ministère pour qu’il mette fin à ce qui ne peut pas être vu autrement que comme une attaque frontale contre l’enseignement de l’occitan et des autres langues de France.