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Constats généraux
La principale préoccupation dont nous font part nos collègues sur le terrain est celle des effets dévastateurs de la réforme des lycées quant aux enseignements des langues régionales.
À l’heure où nous constituons ce dossier, faute de publication officielle des documents qui organisent notamment la carte des langues dans les académies, nous n’avons que très peu de visibilité et de données fiables sur les enseignements qui seront proposés dans les académies : enseignements de spécialité ou enseignements optionnels. Certaines académies excluent toute ouverture d’enseignement de spécialité.
En tout état de cause, les nombreuses informations provenant des établissements et nous alertant sur les choix que laissent filtrer les propos de tel ou tel proviseur font état de nombreuses suppressions et d’importantes réductions d’horaires prévues.
Une fois de plus, mais de manière très brutale, l’occitan fait figure de variable d’ajustement dans le cadre d’une DHG de plus en plus étriquée. La concurrence entre disciplines, notamment la disparité de traitement entre langues régionales et langues anciennes, entraîne des tensions humaines qui détériorent l’atmosphère dans les établissements et n’incitent pas les élèves à se diriger vers un enseignement si peu valorisé. D’autre part, la connaissance de la baisse du poids relatif du coefficient dans l’évaluation du bac en décourage d’ores et déjà de nombreux.
On doit ajouter à cela les effets persistants de la réforme des collèges qui ont accentué la diminution des horaires proposés tout comme la baisse des effectifs.
Conclusion : le scandale de l’inégalité entre le traitement des différentes langues régionales, doublé d’inégalités entre académies occitanes, déjà dénoncé depuis des années est toujours là. Malheureusement force est de constater que l’alignement se fait maintenant par le bas et que les quelques académies qui jouissaient d’une politique dynamique se voient à leur tour menacées. Nous ne pouvons accepter ni la situation d’inégalité, ni l’alignement par le bas.
Les situations académiques
Aix
Cela pourrait prêter à sourire… Le recteur a demandé publiquement où était le provençal dans les rues… Oubliant au passage que la situation (la disparition progressive de la transmission familiale) est la conséquence de décennies d’interdiction publique de l’emploi des langues régionales, il ignore les nombreux projets pédagogiques construits dans son académie, l’existence d’une littérature vivante, les nombreux artistes s’exprimant en occitan provençal. Il ignore aussi les engagements de l’Éducation nationale, notamment la loi de 2013[1] dont nous citons ici un extrait : L’article L. 312-10 du code de l’éducation est ainsi rédigé : « Art. L. 312-10.- Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. »
Les conséquences annoncées de la réforme des lycées sont dramatiques. D’après une enquête menée auprès d’une vingtaine collègues des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, on envisage des menaces de suppression de l’enseignement optionnel dans 5 lycées (Lycée Montgrand (Marseille), Aubrac (Bollène), Victor Hugo (Carpentras), Pila (Carpentras), Dauphin (Cavaillon) sur 20 lycées connus. Ajoutons à cela le fait que l’enseignement de l’occitan a récemment disparu dans les lycées de Gap (05) et Digne (04).
D’une manière générale, la diminution des DGH aboutit à la suppression de centaines d’heures dans les établissements. Les heures d’enseignement optionnel servent alors de variable d’ajustement pour les chefs d’établissement : ils envisagent leur suppression pour limiter l’augmentation des effectifs en classe entière.
Bordeaux
Actuellement, plus de 5000 élèves de primaire (dont 1970 bilingues) et près de 2000 collégiens suivent un enseignement de ou en occitan : la continuité jusqu’au lycée est indispensable, comme l’affirme la convention signée par le Ministère de l’Éducation nationale, la Région Nouvelle-Aquitaine, la région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée et l’Office public pour la langue occitane « pour le développement et la structuration de l’enseignement contribuant à la transmission de l’occitan dans les académies de Bordeaux, Limoges, Montpellier, Poitiers et Toulouse ».
Or, de certains départements, remontent les menaces de fermetures d’options (suppression totale des cours au lycée de Lescar (64), de frein à l’ouverture de continuité ou de DNL et d’annonces de diminution d’heures, de transformation d’heures-postes en heures supplémentaires (Gironde), et de mauvaise volonté pour placer l’occitan en LVB (Dax-40).
Pourtant, le recteur Dugrip veut maintenir le cap de sa politique de soutien aux langues régionales, les heures d’occitan seront comptabilisées en sus de la DGH. Mais, dans le cadre de l’autonomie des établissements, les chefs d’établissement s’engageront-ils à respecter l’esprit comme la lettre des conventions signées par le ministère ?
D’autre part, le rectorat souhaite ouvrir plusieurs enseignements de spécialité occitan sur l’académie. Mais, en dehors de trois établissements qui proposent l’occitan en LVB, l’ensemble de l’enseignement de l’occitan en lycée est optionnel ; l’association des enseignements de spécialité à la LVB restera une difficulté au vu des maigres effectifs d’élèves actuellement en capacité de présenter l’occitan en LVB (3 cette année).
Nous serons particulièrement vigilants car toute l’architecture des cursus complets, si difficilement bâtie, permettant aux élèves d’apprendre l’occitan de la maternelle au lycée, se trouve menacée par cette réforme : le ministère ouvre la porte à une nouvelle chasse aux langues régionales dans les établissements et ce d’autant plus facilement que cet enseignement ne bénéficie du soutien d’un IPR qu’à quart temps.
Nous demandons que le ministère mette en place un IPR chargé de mission occitan à plein temps.
Clermont-Ferrand
Première académie à organiser l’enseignement de l’occitan après la loi Deixonne, elle se trouve depuis de nombreuses années sinistrée. Elle ne compte plus que 2 professeurs certifiés dont l’un travaille sur 4 établissements du Cantal et l’autre est en congé maladie suite à l’hostilité rencontrée dans son établissement de rattachement (Le Puy).
Aucun lycée ne propose l’enseignement de l’occitan, ce qui suppose une absence de suivi des enseignements de collège.
Ajoutons qu’une collègue titulaire du CRPE langues régionales, affectée depuis une dizaine d’années dans le Cantal, n’a toujours pas pu, à ce jour, enseigner la langue et qu’elle est affectée à des remplacements qui lui font parcourir actuellement 600 km par semaine.
Un maître itinérant sensibilise de nombreux enfants dans le sud-ouest du Cantal, mais rien ne se fait ailleurs qui soit répertorié.
Grenoble
Dans l’académie de Grenoble, l’enseignement est organisé dans des zones trop réduites
Second degré : dans un collège de Pierrelatte, les heures sont assurées par un professeur de Lettres ; à la cité scolaire de Nyons, qui accueille une certifiée stagiaire, poste et enseignements en collège et Lycée en cours de redéveloppement.
Premier degré : il existe un poste en itinérance, partagé entre la mission occitan-référent langues de la circonscription de Nyons, autrefois dédié complètement à l’occitan.
Nous demandons le retour d’un enseignant du premier degré itinérant dans la circonscription de Montélimar, poste laissé vacant puis fermé en juin 2018, et une politique d’ouverture à la langue dans l’Ardèche complètement délaissée (préparations au bac assurées bénévolement dans un lycée général et technologique privé d’Annonay ces dernières années, où ont lieu également des sensibilisations en seconde dans le cadre du dispositif régional Eureka).
La réforme mettrait injustement un coup d’arrêt à l’enseignement optionnel au niveau secondaire, contrant les efforts locaux et l’engagement des partenaires, comme le Parc naturel régional des Baronnies provençales au titre de l’Éducation au territoire.
Un comité de pilotage va être reçu par la Région le 13 février 2019 pour relancer une politique de soutien aux langues régionales.
Limoges
Encore une académie sinistrée
Un seul enseignant (professeur d’histoire-géographie), option ouverte à la rentrée 2017 au lycée de Tulle : 1 heure par semaine et par niveau (seconde et première).
Situation incertaine à la rentrée 2019
Montpellier
L’académie de Montpellier souffre depuis des décennies d’absence de politique rectorale volontariste, qui peut aller [aujourd’hui] jusqu’à l’hostilité et au non-respect des textes, à commencer par la non organisation du CALR.
Cette indifférence / hostilité a eu comme conséquence une [très nette] réduction [de l’offre d’enseignement et] des ressources humaines : de 56 enseignants au début du millénaire, nous en sommes à une petite trentaine, dont une partie non négligeable est fragilisée psychologiquement par des conditions de travail qui s’aggravent d’année en année. Les démissions, changements de [discipline] matière sont nombreux. Les collègues en poste, pour la plupart, effectuent la majorité de leur service dans leur valence.
Pour la rentrée 2019, il est impossible d’avoir des données fiables de la part du rectorat qui reste sourd aux demandes de rendez-vous et n’organise pas le CALR annoncé promis en juin dernier pour la fin 2018.
En l’absence de réponse rectorale, les informations nous parviennent de source syndicale. À la date où nous écrivons, le rectorat n’envisagerait aucune ouverture de spécialité dans l’Académie. Dans les établissements les collègues sont prévenus par leur hiérarchie de suppressions d’options et de diminutions d’horaires suite à un manque de moyens budgétaires.
Nice
Sur les cinq dernières années (2013-2018), l’effectif des professeurs certifiés d’occitan dans l’académie de Nice a connu une diminution de 25%.
Sur les cinq dernières années (2013-2018), le nombre d’implantations où l’occitan est proposé a diminué de 35%.
Dans le cadre de la réforme du lycée et du baccalauréat, aucune proposition de spécialité « Langue, littérature et civilisation régionales » n’est prévue.
De même, aucun établissement ne proposera l’occitan en LVB.
Dans les lycées où l’enseignement optionnel de l’occitan, présent depuis des décennies représente dans bien nombre de cas l’option la plus suivie et la plus demandée par les élèves et leurs familles, des chefs d’établissement ont déjà annoncé une suppression pure et simple de cet enseignement à compter de la rentrée 2019 faute de moyens suffisants. Si cette menace se concrétise, la moitié des lycées de l’Académie de Nice qui à ce jour proposent un enseignement d’occitan ne seront plus en mesure de proposer cette offre dans quelques mois.
Détails chiffrés:
- année 2018/2019 : 8 lycées sur 89 proposent un enseignement optionnel d’occitan.
- année 2019/2020 : projection tenant compte des effets de la réforme du Lycées : 4 lycées sur 89 proposeront un enseignement optionnel d’occitan.
Toulouse
L’académie de Toulouse est passée brutalement d’une politique de développement à une politique de dépouillement. La politique de développement a été affichées, peu ou prou, par le rectorat depuis 30 ans, notamment grâce à de grands recteurs volontaristes comme l’historien Philippe Joutard, Jean Paul de Gaudemar, Nicole Belloubet, actuelle Ministre de la justice et Olivier Dugrip, actuel recteur de l’Académie de Bordeaux.
La signature de la convention cadre, conformément à la loi et au code de l’éducation, laissait espérer la relance de cette politique académique un peu érodée ces deux dernières années mais qui profitait à 12200 élèves. Madame la rectrice n’a pas signé la convention académique négociée depuis un an et ses services ont décidé pour faire des économies de supprimer (« confisquer » a dit un syndicat avec raison) le contingent académique (une cinquantaine d’équivalents temps plein) géré par le rectorat. La gestion, le maintien ou pas des cours dans 160 établissements a été abandonné pour la prochaine rentrée au bon ou mauvais vouloir, à l’arbitraire, des chefs d’établissements et des DASEN.
Sans les moyens spécifiques, les établissements, quelle que soit leur bonne volonté, ne peuvent maintenir les cours. Ils annoncent chaque jour depuis un mois des fermetures ou des réductions d’horaires.
Actuellement la situation varie selon les départements et peut-être le niveau de pression des élus qui montent au créneau, de la région mais aussi tous les syndicats mais on estime que c’est 60% au moins des établissements qui proposent actuellement l’occitan qui ont annoncé qu’ils allaient fermer complètement ou réduire fortement l’horaire ou le nombre de groupes ou niveaux. Beaucoup de fermeture de classes de sixième ou de seconde provoqueront de nouvelles fermetures en 2019 si le retournement politique continue. Dans le département des Hautes-Pyrénées par exemple c’est actuellement et pour le moins 54 heures qui vont être supprimées
Dans les établissements concernés c’est le chaos entre rumeurs, absence d’informations et conflits autour de la DGH.
Madame la rectrice a annoncé dans ce chaos que la politique académique en faveur de l’occitan continuait, que le niveau des moyens pour l’occitan serait globalement maintenu, que l’enseignement bilingue était sanctuarisé (38 établissements concernés) et qu’il y aurait peut-être des moyens en plus cette année pour quelques enseignements de spécialité… mais on ne sait pas comment.
Un état complet est actuellement impossible et ne serait que temporaire mais le sens de l’évolution est clair. Fermeture massive de cours, réduction massive des horaires.
Île-de-France
Pendant de nombreuses années, il y a eu en Île-de-France un enseignement d’occitan dans un lycée de Noisy-le-Grand, qui a été supprimé avec le départ à la retraite du professeur.
Il y a eu aussi de nombreux candidats au baccalauréat pour présenter l’épreuve facultative, dont certains en candidats libres.
Inutile de dire que l’organisation prévue des épreuves du bac donnera le coup de grâce à cette possibilité.
[1]http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=ED9D77F637E26F8C115A2D83EAB2C272.tpdjo14v_3?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=20130722