29-03-18-Une proposition de loi pour classer le provençal comme langue à part : la FELCO réagit

Quelques députés viennent de déposer une proposition de loi visant à faire du provençal une langue régionale distincte de ce que les textes officiels de l’Education Nationale appellent « occitan langue d’oc », quitte à préciser quelles en sont les variantes régionales, le provençal compris. Jusque là, ce genre d’offensive particulariste se limitait à quelques questions écrites qui recevaient des réponses parfaitement claires, compréhensibles, et bien entendu négatives.Voir le dossier daté de 2009 sur notre site : http://www.felco-creo.org/2009-aout-la-felco-ecrit-aux-deputes-suite-a-des-questions-ecrites-sur-la-reconnaissance-du-provencal/

Pour la FELCO, qui regroupe deux associations académiques d’enseignants de langue d’oc en région PACA, ce sont les seules réponses possibles à des questions qu’il faudra bien un jour ou l’autre arrêter de poser, comme nous l’expliquons dans les lettres ci-jointes.

 

À monsieur Bernard Reynès, député

 

Monsieur le Député

 

Notre association la FELCO, (Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’oc), vient de découvrir sur le site de l’Assemblée Nationale une proposition de loi revendiquant la reconnaissance du provençal comme langue régionale (http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion0832.asp) dont vous êtes l’auteur.

Nous connaissons votre engagement en faveur d’une meilleure reconnaissance des langues régionales par les institutions de la République, son école au premier chef. Vous avez été du coup destinataire de bon nombre de nos courriers. Nous n’en sommes que plus surpris de vous voir associé à cette proposition.

En effet, le provençal, linguistiquement bien caractérisé, et pourvu d’un capital littéraire prestigieux depuis le temps de Frédéric Mistral, n’en fait pas moins partie intégrante de l’ensemble d’oc. C’était vrai du temps des Troubadours, c’était vrai quand les historiens provençaux du XVIIe affirmaient que leur langue se parlait jusqu’en Gascogne, c’était vrai pour Mistral lui-même célébrant une langue qui se parlait des Alpes aux Pyrénées. C’est vrai également aux yeux de la linguistique internationale depuis le XIXe siècle.[1]

Enfin, et vous conviendrez que ce n’est pas négligeable, c’est également vrai aux yeux de la loi républicaine, depuis que la loi Deixonne en 1951 a reconnu au rang des langues dont elle autorisait l’enseignement une « langue occitane » dont il était expressément précisé qu’elle incluait toutes les variétés de la langue, provençal compris.

Depuis le temps de Mistral, la revendication en faveur de la reconnaissance par la République de la dignité de la langue d’oc a toujours associé des acteurs – écrivains ou non – originaires de toutes les régions du Midi de la France.

Les concours d’enseignement institués depuis les années 90, du CAPES jusqu’à la toute récente agrégation de langues régionales, confirment la place du provençal au sein de l’ensemble de l’occitan-langue d’oc, comme en témoigne l’existence de certifiés d’occitan-langue d’oc provençaux, qui ont ainsi conquis le droit d’enseigner la langue d’oc sous sa forme provençale.

Obtenir ce genre de reconnaissance officielle n’a pas été une mince affaire. Vous comprendrez donc que nous jugions peu opportunes des tentatives de remise en cause des résultats qui ont coûté beaucoup d’efforts, surtout à un moment où sur le terrain, l’occitan souffre de restrictions du nombre de postes d’enseignants qui lui sont attribués, et d’une relative indifférence de la part du ministère comme d’un certain nombre des responsables sur les territoires, recteurs, DASEN ou chefs d’établissements.

Rien ne justifie la dissociation du provençal du reste de l’ensemble d’oc, revendiquée par de petits groupes particularistes qui jouent sur un chauvinisme élémentaire. Ce alors même que pour le Félibrige, fondé par Frédéric Mistral, la question de l’unité de la langue d’oc est réglée au-delà de toute discussion. Prétend-on donner au Félibrige des leçons d’attachement au provençal illustré par son créateur ?

Ce n’est pas la première fois que ce lobby particulariste réussit à circonvenir des élus sincèrement attachés, eux aussi, à la défense de leur langue régionale. Mais c’est la première fois que son action débouche non plus sur de simples questions écrites mais sur une proposition de loi. Il nous semble qu’il y a là une dérive dangereuse, et nous souhaitons vous voir vous en désolidariser. Répétons-le : notre langue d’oc a déjà suffisamment de problèmes au quotidien pour qu’il ne soit pas indispensable d’en ajouter d’autres du fait d’une guerre picrocholine qui n’apportera rien à personne.

Fédération représentative des enseignants de langue d’oc des 32 départements concernés, de la maternelle à l’Université, enseignants, chercheurs, universitaires, nous nous tenons à votre disposition, Monsieur le Député, pour toute précision concernant ces questions sensibles

[1] Nous nous permettons de vous renvoyer à un document réalisé à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, sous l’égide de l’Université Ouverte des Humanités, qui situe la langue d’oc dans l’espace et dans le temps : https://www.univ-montp3.fr/uoh/occitan/une_langue/co/module_L_occitan_une%20langue.html.

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