LE GRAND DÉBAT ET LES LANGUES RÉGIONALES
Le Grand Débat vient de se clôturer. En attendant les synthèses, certaines informations sont déjà connues : 10 452 réunions locales, 1 932 884 contributions sur le site internet et 16 000 cahiers citoyens. C’est une belle mobilisation citoyenne.
Comme l’ont relayé certains médias (BFMTV, Nouvel Obs), le sujet des langues régionales est arrivé en deuxième position dans le thème « organisation de l’État et des services publics ». Voilà une surprise que personne n’avait vu venir.
La présentation du Grand Débat a été critiquée. Divisé en quatre grands thèmes, avec un certain nombre de questions fermées, cela orientait nécessairement le questionnement. Ainsi il était évident de parler de fiscalité, d’écologie. Le déroulé des questions vous menait à donner votre avis sur la considération du vote blanc et les incivilités, même si cela ne faisait pas partie de vos préoccupations premières. Par contre un citoyen voulant introduire une autre question devait réfléchir un moment : où écrire ses remarques sur le rôle de la France dans le monde et de la coopération internationale ? Où parler d’Europe ? Où parler de culture ? Où parler d’éducation ? Seules les dernières questions de chaque grand thème permettaient une libre expression ; à chacun d’évaluer si son intervention concernait davantage la fiscalité, l’écologie, les services publics ou la citoyenneté.
Ainsi apparaissent sans trop de surprise des thèmes induits par les questions : pollution, transport, vote blanc, immigration, et des sujets captés et assez largement traités par les médias : justice fiscale, RIC, limitation à 80 km/h.
Contre toute attente, la question des langues régionales est cependant apparue bien placée dans le nombre d’occurrence alors que c’est le seul, classé dans les sujets importants aux yeux des français, qui n’était suggéré nulle part. Que cela nous indique-t-il ?
Premièrement que cette question fait parti des préoccupations d’une partie importante de la population et que les citoyens ont essayés de faire passer cela dans leurs interventions. C’est le but d’un grand débat. C’est donc une réussite d’avoir fait émerger une question que personne n’avait anticipée.
Deuxièmement, l’absence de ce thème dans les questions soumises aux citoyens et sa quasi absence dans les grands médias montre un décalage. Un de plus ? En tout cas un décalage, volontaire ou non. Une ignorance, réelle ou non. Un désintérêt, plus ou moins méprisant sur cette question, entre ceux qui dirigent les débats et une partie significative des citoyens de cette France périphérique.
Il est enfin temps de prendre conscience de l’existence de ce patrimoine immatériel que notre pays trop longtemps négligé. Emmanuel Macron, comme tant d’autres avant lui, a promis, pendant la campagne électorale, des gestes forts pour préserver et promouvoir les langues historiques de France. Récemment encore, en Bretagne, il affirmait vouloir « pérenniser leur enseignement » car « les langues régionales jouent leur rôle dans l’enracinement qui fait la force des régions ». Mais la réforme du lycée ne laisse plus guère de place aux langues régionales.
Si ce grand débat est réellement l’occasion de faire de la politique autrement, si dans ce nouveau monde l’avis des citoyens est écouté, alors nous pouvons encore espérer, en cette année proclamée par l’UNESCO « année des langues autochtones », des avancées pour nos langues de France.