2-11-19. Réforme des lycées : mise à mort de nos enseignements ? la FELCO interpelle le Ministre

Voir le courrier au format PDF :  31-10-19. Réforme des lycées. La FELCO interpelle le Ministre

Yan Lespoux                                                              Montpellier le 30 octobre 2019

Maître de conférences en occitan

Président de la FELCO

 

A Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale

 

Objet : la réforme des lycées et la situation de l’enseignement de l’occitan : demande d’audience

 

Monsieur le Ministre,

Notre association d’enseignants d’occitan dans l’Education nationale souhaite vous rencontrer afin de porter à votre connaissance la situation catastrophique que la réforme du lycée entraîne pour la place de notre langue dans l’école de la République

Dès l’annonce de cette réforme, nous avions déjà alerté vos services, ainsi que les députés et sénateurs avec lesquels nous sommes en contact régulier, sur les risques évidents qu’elle faisait courir à l’enseignement des langues régionales en supprimant plusieurs possibilités d’intégration dans les cursus et de validation au baccalauréat. Depuis, les élus qui vous ont fait part de leurs préoccupations n’ont reçu que des réponses laconiques, répétitives, lénifiantes, et plus ou moins informées, destinées à les convaincre que tout allait pour le mieux. Or les premiers échos qui nous parviennent de la situation depuis la rentrée prouvent au contraire que notre inquiétude était malheureusement totalement justifiée.

En effet, le nombre d’élèves suivant un enseignement d’occitan langue d’oc en lycée dans les quatre académies dont les effectifs sont actuellement connus a chuté de 25% et le nombre d’établissements proposant un enseignement d’occitan langue d’oc a quant à lui baissé de 16%. Par ailleurs, les projections que nous pouvons faire à partir de l’observation des cohortes d’élèves et des suppressions de sections d’ores et déjà annoncées nous font craindre une aggravation de la situation à la rentrée 2020, avec un effondrement total des effectifs de l’ordre de 45 % en lycée. Et, contrairement là encore aux propos officiels, ce n’est pas l’octroi cosmétique et palliatif de 3 enseignements de spécialité, avec une vingtaine d’élèves en tout pour toutes les académies de l’ensemble occitan, qui peut y changer quoi que ce soit.

C’est d’une véritable condamnation à mort de l’enseignement de l’occitan qu’il s’agit avec cette réforme du lycée, en totale contradiction avec la circulaire relative à l’enseignement des langues et cultures régionales n° 2017-072 du 12-4-2017 qui rappelle la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République réaffirmant en son article 40 modifiant l’article L. 312-10 du code de l’éducation que

« les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage » et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité ».

Alors même que notre Ministère, depuis la loi Deixonne, avait enfin pris la mesure de l’importance de nos langues, avec des réformes successives permettant leur implantation croissante au sein du système éducatif, alors que nos sociétés, après des décennies d’abandon social de langues dénigrées par l’école, retrouvaient la fierté de leur patrimoine vivant et demandaient à l’école publique, notamment à travers leurs élus, de prendre en charge leur enseignement, nous voici confrontés, brutalement, à la mort froidement programmée de cet enseignement. Et cette perspective crée des situations de souffrance pour des enseignants dont la matière est menacée à très court terme.

Le 7 février dernier, vous avez bien voulu accorder à une délégation de la Fédération des Langues régionales dans l’Enseignement public (FLAREP) une audience à laquelle des représentants de la FELCO ont participé, en tant que membres de cette fédération. Nous avions alors souligné l’inégalité de traitement des Langues vivantes régionales (LVR) par rapport aux Langues et Cultures de l’Antiquité (LCA), qui bénéficient, à juste titre, certes,

– pour l’option, d’un coefficient 3, de la possibilité d’être seconde option et de la bonification des points obtenus au-dessus de la moyenne.

– d’un enseignement de spécialité autonome.

Vos services avaient évoqué en réponse une mesure de sauvegarde nécessaire pour un enseignement alors menacé.

Or les chiffres dont nous disposons concernant l’enseignement de l’occitan aujourd’hui ne laissent aucun doute : les menaces qui pèsent désormais sur lui comme sur l’enseignement des langues de France en général sont infiniment plus graves

Nous réitérons donc auprès de vous notre demande de mise en place pour l’option et l’enseignement de spécialité (EDS) d’occitan d’un alignement sur les modalités d’option et d’EDS des Langues et Cultures de l’Antiquité, dans un esprit d’égalité républicaine et par souci d’éviter toute discrimination au sein de l’école publique.

Par ailleurs et conformément à nos précédentes demandes, nous souhaiterions aborder avec vous les incidences de la réforme des lycées sur le bilinguisme français-occitan par la voie des disciplines non linguistiques (DNL) enseignées en occitan, l’intégration d’enseignements en langue d’oc au sein du tronc commun et leurs modalités d’application au sein des enseignements au lycée.

Nous voulons enfin souligner la nécessité

– d’ouverture de l’occitan comme LVB

– de prise en compte au baccalauréat des candidats « libres » dont le nombre va fatalement augmenter avec la fermeture de sections dans bon nombre de lycées,

– la nécessité de rétablir l’option facultative langue régionale, dans la totalité des bacs technologiques.

Autant de points essentiels que nous souhaitons aborder avec vous en cette fin d’une année 2019 désignée comme année internationale des langues, comme vous le savez. Il serait dommageable pour l’image de notre pays que cette année soit aussi l’An I d’une catastrophe culturelle annoncée pour les langues de France, alors même que l’article 75-1 de la Constitution en fait un patrimoine national.

Dans l’attente d’une réponse à notre demande d’audience, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à notre attachement au service public de l’Éducation nationale.

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