07-10-21 – compte rendu de l’audience FELCO au Ministère

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Voir sur ce lien le compte rendu au format PDF : 2110-11 – CR FELCO rencontre au Ministère 7-10-21

La délégation de la FELCO était composée d’Olivier Pasquetti, président et de Marie Jeanne Verny, cosecrétaire.

Nous avons été reçus pendant 1 h 30 par messieurs David Bauduin, conseiller en charge des affaires pédagogiques auprès de Monsieur le Ministre et Jean Hubac, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources à la DGESCO. Le présent compte rendu a été relu et précisé par nos deux interlocuteurs.

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Le président de la FELCO remercie nos interlocuteurs de l’audience accordée, la première après des mois de limitation des contacts due à la situation sanitaire.

Il évoque les points principaux contenus dans le dossier réuni par la FELCO (http://www.felco-creo.org/wp-content/uploads/2021/10/2110-06-Audience-FELCO-Minist%C3%A8re.pdf) ; la taille de celui-ci (27 pages) ne permettra pas que tous les points soient traités, mais il constitue, pour la FELCO, une base de travail destinée à faciliter de futurs échanges.

En préambule, Olivier Pasquetti rappelle une question d’actualité, la loi dite loi « Molac » qui a fait l’objet d’un intense travail de mobilisation inter-associatif dans le cadre du collectif « Pour que vivent nos langues », dont la FELCO est partie prenante. La délégation présente les principaux points qu’elle souhaite aborder avec le ministère, mais souhaite que nos interlocuteurs prennent connaissance de l’ensemble du dossier.

  • I- Dans le cadre de la loi telle qu’elle a été promulguée, la FELCO s’interroge notamment sur l’application de l’article 7 [1]: quel plan de mise en œuvre est-il prévu ? selon quelles modalités ? quelles ressources humaines et financières sont-elles mobilisées ?
  • II- Si la FELCO ne fait pas mystère de sa position de porteuse de revendications, elle souhaite aussi être force de proposition.
    1. Un exemple, l’option facultative – bonifiante – langue régionale au CRPE « ordinaire ». En dehors du fait que son rétablissement ne demanderait pas un budget colossal, l’existence de cette option a autrefois permis d’augmenter le nombre de maîtres sensibilisés à la langue et à la culture régionales de leurs territoires d’affectation et donc de contribuer à résoudre la question des ressources humaines signalée comme cruciale dans de nombreux départements (d’autant plus que seuls 4 INSPEs pour l’ensemble de l’espace d’oc préparent effectivement au concours spécifique). Une telle épreuve facultative bonifiante serait parfaitement compatible avec le plan LVE. Elle permettrait en outre de répondre au moins en partie à la généralisation de l’offre d’enseignement prévue par l’article 7 de la loi « Molac ».
    2. Un deuxième exemple, celui des épreuves optionnelles au baccalauréat avec statut bonifiant : l’arrêté de juillet 2021, pris après constatation unanime des désastres induits par la réforme des lycées, s’il constitue une avancée, risque de ne pas régler le problème, signalé par le rapport de l’Inspection générale, d’une baisse dramatique des effectifs. En effet, les collègues nous signalent une crainte des élèves de voir baisser leur moyenne générale, alors même qu’ils auraient consenti un effort supplémentaire, 3 années consécutives, dans le cadre d’emplois du temps de plus en plus dégradés (ce que confirme aussi le rapport de l’IG). La FELCO rappelle sa demande de possibilité de cumul des langues régionales avec les autres options, comme c’est le cas pour les langues et cultures de l’Antiquité.
  • III- Nous avons certes été sensibles aux diverses déclarations du président de la République, du Premier Ministre, du Ministre de l’Éducation quant à l’intérêt des langues régionales, patrimoine de la Nation ; mais nous sommes contraints de constater l’écart entre ces déclarations et nos réalités de terrain, comme le montrent les situations décrites dans notre dossier et les problèmes répertoriés. Il y a là une différence gênante entre les discours et la réalité.
  • IV- Nous nous plaçons résolument dans une optique de service public. C’est dans le cadre de l’Éducation nationale que sont scolarisés l’immense majorité des enfants qui vivent dans nos territoires, quelle que soit leur origine. C’est donc à cette école publique, sans attendre une demande sociale entravée par des siècles de minoration, de pratiquer une politique d’offre d’enseignement des langues régionales, sous des modalités diverses.
  • V- Nous évoquons l’absence de moyens spécifiques affectés à l’enseignement des langues régionales. Sans une dotation fléchée pour les académies concernées, cet enseignement y est placé en concurrence avec l’ensemble des charges que doivent assurer celles-ci. Ceci amène une situation de concurrence dans les choix arbitrés par les recteurs, les DASENs, et, en bout de course, le choix est parfois tranché au niveau du chef d’établissement.
  • VI- Nous insistons sur les zones sinistrées en matière d’enseignement de l’occitan : les académies du nord de notre espace, ainsi que certains départements qui constituent des quasi-déserts en la matière.

Monsieur Bauduin remercie la délégation pour la précision de ses propos.

À propos de l’article 7, il constitue un enjeu des prochains mois. Le Premier ministre a annoncé la création d’un conseil national des langues régionales qui se réunirait une ou deux fois par an.

Selon nos interlocuteurs, un des enjeux est de garantir la continuité des apprentissages en mettant en rapport l’offre et la demande : un élève qui a entrepris un enseignement de langue régionale doit pouvoir le poursuivre tout au long de sa scolarité. Pour la question des budgets et ressources humaines, il est nécessaire de disposer d’une cartographie précise des enseignements.

Concernant le CRPE, dont Monsieur Bauduin rappelle l’organisation des épreuves, son obtention suppose la capacité d’enseigner une langue étrangère. Concernant la demande d’un statut bonifiant pour une épreuve facultative de langue régionale, il prend note de la demande.

Concernant le lycée, l’ambition de la réforme est d’élever le niveau général ; cette ambition n’était pas compatible avec l’effet produit antérieurement par les points obtenus grâce aux épreuves optionnelles bonifiantes. Le choix a été de réduire l’effet des notes attribuées aux épreuves facultatives. C’est la raison – éviter l’effet « bonus » – pour laquelle celles-ci ont été intégrées dans chaque cursus normal, tout en permettant une augmentation de la moyenne générale.

Sur les moyens : leur exploitation relève de l’autonomie des établissements. C’est aux établissements de procéder à leurs choix. Le Ministère ne peut pas pourvoir de façon extensive tous les besoins exprimés. Monsieur Hubac reconnaît que l’offre en langue régionale est à financer au même titre que d’autres options dans les établissements, avec lesquelles elle se retrouve parfois de fait en concurrence, mais précise que le ministère entend ne pas faire d’exceptions au non-fléchage des marges d’autonomie des établissements. Le ministère s’interroge notamment sur le fait que certaines offres d’enseignement optionnels ne sont pas forcément suivies par la demande (cas en particulier des enseignements de spécialité au lycée).

Après ces réponses, le dialogue reprend.

  • Concernant le lycée, la FELCO évoque la complexité structurelle induite par la nouvelle organisation qui limite les groupes classes et leur stabilité en donnant la priorité à l’organisation par les enseignements de spécialité. Depuis cette nouvelle organisation, les emplois du temps proposés pour les langues régionales sont devenus encore moins attractifs qu’ils ne l’étaient.

Certaines options qui ne sont accessibles qu’au niveau terminale (maths expertes, maths complémentaires et droits et grands enjeux du monde contemporain) viennent casser la demande pour l’option langue régionale dans la perspective de parcours-sup. La FELCO souligne que les chiffres démontrent que l’intention de lutter contre la rigidité antérieure des filières est démentie par la réalité du choix massif des EDS scientifiques qu’élèves et familles voient comme plus sécurisantes dans cette même perspective.

La FELCO souhaite qu’un message soit envoyé aux établissements depuis le Ministère pour souligner l’intérêt des langues régionales.

Nos interlocuteurs soulignent que de tels messages peuvent ne pas être entendus : ainsi sur les langues et cultures de l’Antiquité (LCA) qui n’a pas eu le succès escompté dans les établissements (les effectifs continuent de s’effondrer).

Les représentants de la FELCO évoquent l’injustice qui consiste à permettre la compatibilité de l’option LCA avec d’autres options alors que ce n’est pas le cas des langues régionales. Ils soulignent également la différence de nature des langues régionales et des langues étrangères. S’il n’existe pas entre les langues de différence de valeur éducative et pédagogique, il n’en reste pas moins que les langues régionales sont langues de France et ne peuvent compter que sur la République pour les faire vivre sur son territoire.

  • Concernant la cartographie des enseignements organisés, nous réfutons le fait qu’on s’appuie uniquement sur une demande sociale, forcément freinée par des siècles de minoration linguistique. Une telle cartographie – qui reste effectivement à faire au niveau de notre espace linguistique – traduit avant tout les disparités entre académies et départements que nous nous refusons à interpréter en termes de demande sociale. C’est la raison pour laquelle nous réclamons une politique d’offre.

Messieurs Bauduin et Hubac évoquent un appel à manifestation d’intérêt lancé à destination des communes ainsi que le plan mercredi quant à des activités e sensibilisation aux langues régionales dans le périscolaire, avec une approche pédagogique fondée sur le jeu, les chansons…

  • Sans mésestimer l’intérêt de telles actions (faire des langues régionales des langues de vie et de loisir et pas seulement des langues enseignées), les représentants de la FELCO remarquent cependant qu’il s’agit là d’un effort budgétaire (même aidé par l’État) demandé aux collectivités et qu’on n’est pas dans le cadre de l’article 7 de la loi évoquée, qui parle de l’intégration de l’enseignement des langues régionales « dans le cadre de l’horaire normal ». De plus, les membres de la délégation interrogent les représentants du ministère sur la place et la responsabilité de l’État dans cette action qui semble se reposer sur les collectivités territoriales.
  • Concernant l’effet des notes bonifiantes attribuées autrefois aux épreuves facultatives, les représentants de la FELCO s’inscrivent en faux : c’était souvent de bons élèves qui complétaient leur cursus en suivant (selon les possibilités offertes) un ou plusieurs enseignements optionnels. La récompense obtenue par la note était une juste rétribution de l’effort supplémentaire accompli, 3 ans successifs. Le rapport de l’Inspection générale publié récemment (Voir sur notre site http://www.felco-creo.org/29-08-21-un-rapport-de-linspection-generale-sur-les-enseignements-optionnels-en-lycee-lanalyse-de-la-felco/) insiste d’ailleurs sur l’intérêt éducatif et culturel des enseignements optionnels.
  • Un échange s’instaure sur la baisse des ressources humaines dans le second degré, depuis la diminution brutale et continue des postes au CAPES (d’une moyenne de quinze à quatre pour 32 départements depuis 2004, quand le corse, le catalan ou le basque en ont au moins un par an pour un seul département. Cette disparité est vécue de façon d’autant plus injuste que les conditions d’exercice des collègues en poste se sont aggravées (augmentation du nombre d’établissements par enseignant – jusqu’à 5 dans le Cantal). Cette baisse des ressources humaines a entraîné de nombreuses fermetures de sections (8 lycées dans l’académie de Montpellier contre 20 au début du millénaire).

Parmi les autres points posés par la FELCO

  • Nous réitérons notre regret de la limitation de l’invitation du premier Ministre aux seuls représentants de l’enseignement associatif (en plus des Offices publics), vécue par les enseignants du public comme une relégation de la question à l’initiative privée et comme une un risque de désengagement de l’État et des dispositifs de l’Éducation nationale. Choix d’autant plus incompréhensible que la censure du Conseil constitutionnel portait sur la légalité dans l’enseignement public de l’extension de l’horaire en langue régionale, jusqu’à l’immersion. Bien entendu, nous demandons aussi à rencontrer monsieur le premier Ministre.
  • Nous soulignons les preuves de l’inégalité à l’intérieur de nos territoires entre académies (mais aussi entre départements d’une même académie : voir les départements alpins 04 et 05)
    • Dépendant ou non de l’Office public de la langue occitane (concernant uniquement Nouvelle-Aquitaine et Occitanie
    • Disposant ou non de conventions Etat / Région
    • Organisant ou non des CALR
    • Disposant ou non d’un chargé de mission IPR académique. Nous évoquons à ce sujet la possibilité de missionner le chargé de mission IPR pour l’académie de Montpellier afin qu’il puisse intervenir également dans l’Académie de Clermont.
    • Organisant ou non l’enseignement bilingue à parité horaire
    • Disposant de formations en Universités ou INSPEs

À la fin de l’audience, les représentants de la FELCO demandent quels retours ils vont pouvoir faire à leurs mandants.

Nos interlocuteurs évoquent

  • La parution avant la fin 2021 d’un texte règlementaire général sur la question des langues régionales
  • La création d’instances d’échange au niveau national sur la question des langues régionales comportant la participation des représentants d’associations d’enseignants ; la création d’une page spécifique sur le site national éduscol collectant les ressources et en proposant de nouvelles
  • Un suivi plus régulier des CALR
  • à la rentrée 2022, l’intégration des langues régionales dans un dispositif « langues et cultures de la Méditerranée », associant l’enseignement des langues vivantes étrangères, celui des langues vivantes régionales et celui des langues et cultures de la Méditerranée.

[1] Article L312-11-2 : Version en vigueur depuis le 24 mai 2021 – Création LOI n°2021-641 du 21 mai 2021 – art. 7 : Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’Etat et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves.

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