Note FELCO : nous nous souvenons que Philippe Gardy a été le premier président de notre fédération. Par ailleurs, les anciens étudiants, les enseignants, et tout simplement les lecteurs de littérature et de critique littéraire que nous sommes lui devons beaucoup.
Photo Georges Souche : http://www.georges-souche.com/
Voici les propos de Sylvan Chabaud, titulaire 2024 du grand prix littéraire de Provence, suivi des propos de Philippe Gardy, lus en son absence par Philippe Martel (lui aussi titulaire du grand prix littéraire de Provence et ancien président de la FELCO).
L’hommage de Sylvan Chabaud
Bonsoir à tous, adieu a totei. J’ai l’immense honneur de présenter un homme qui compte beaucoup pour moi et pour bon nombre de personnes dans la salle, je pense, mais plus largement pour bon nombre de femmes et d’hommes qui, de près ou de loin, s’intéressent à la langue d’oc, à sa littérature… J’ai l’honneur de vous parler donc de Philippe Gardy qui reçoit aujourd’hui le Grand Prix littéraire de Provence.
Philippe Gardy s’excuse de ne pas être auprès de nous aujourd’hui, en raison de problèmes de santé et de difficultés à se déplacer. Il reçoit donc le prix in absentia, mais, en fait, il est avec nous, c’est sûr, il est avec nous parce que son nom est intimement lié à la Provence, au provençal et à sa littérature. Son absence n’est qu’illusion… pour reprendre une image baroque, ce mouvement littéraire qu’il a étudié avec finesse.
Philippe Gardy est provençal, de langue, d’écriture, de lecture, d’étude mais aussi d’échange et d’amitié. Il n’est pas né en Provence, puisqu’il a vu le jour en 1948 à Châlon sur Saône, et il ne s’est jamais réellement établi en Provence. Mais il est l’exemple parfait de quelqu’un qui s’est établi au cœur de la Provence, au plus près, c’est-à-dire dans sa langue.
Une langue qu’il connait de famille, à travers diverses origines d’oc, aveyronnaise, languedocienne, gasconne et puis, enfin provençale lorsqu’il fait la rencontre d’un professeur, au lycée de Nîmes : Robert Lafont. Donc un homme dans la langue d’oc, variété, richesse et unité. Il vous en parlera tout à l’heure, dans sa lettre, bien mieux que moi, mais c’est auprès de Robert Lafont que sa curiosité pour cette langue s’attise, se développe, gonfle, pour finir ensuite par occuper une place centrale dans sa vie. Le rapport à la langue est toujours une histoire de rencontre.
Rencontre avec une littérature ensuite pour Philippe Gardy qui va y consacrer des années de travail, d’étude, d’écriture et d’enseignement. Dans ce parcours d’autres grandes figures apparaissent telles que celles de Jòrgi Reboul ou bien de Sully André Peyre qu’il a découvert au hasard des rayons d’une librairie. Littérature et langue d’oc, poésie et provençal : toute une vie d’homme pour les mots et la langue.
Il y a tout d’abord son travail universitaire unanimement reconnu sur les voix oubliées de la période moderne, notamment son immense travail d’édition de l’œuvre de l’aixois Jean de Cabannes et ses nombreux ouvrages et articles scientifiques qui mêlent érudition, clarté, exigence et savent, toujours, aborder les rivages de la poésie. On peut lire un article scientifique de Philippe Gardy comme on lirait une prose poétique, par moments… Philippe Gardy a été chercheur au CNRS, il a enseigné la littérature à l’Université de Montpellier et n’a jamais cessé d’éditer et d’analyser des œuvres importantes ou moins connues, enrichissant considérablement le corpus disponible des textes en langue d’oc, œuvrant sans relâche à la diffusion et à la connaissance de notre littérature.
Bien sûr, nous n’aurons pas le temps ici de citer l’ensemble de ses travaux, la liste est infinie ! Mais quelques-uns seulement, pour vous inviter à les lire, si vous ne l’avez pas déjà fait, à les relire aussi, pour les autres… Je pense par exemple à son travail sur la poésie occitane contemporaine = Une écriture en archipel : cinquante ans de poésie occitane (1992) et L’écriture occitane contemporaine : une quête des mots (1996), auxquels s’ajoute Figuras dau poèta e dau poèma dins l’escritura occitana contemporanèa (2003) ou bien encore son ouvrage : Paysages du poème. Six poètes d’oc entre XXe et XXIe siècle : Léon Cordes, Robert Lafont, Bernard Lesfargues, Georges Reboul, Max Rouquette et Jean-Calendal Vianès. Une des particularités de son travail, et qui nous intéresse bien sûr dans le cadre de ce prix, est d’avoir embrassé toutes les graphies de la langue d’oc, autant les graphies non établies de l’époque moderne que la graphie dite mistralienne et la graphie dite classique. Car Philippe Gardy a toujours gardé un regard aiguisé, fin, pertinent et ouvert sur la création d’oc, sans a priori, sans rétrécissement de la pensée, sans jugement hâtif.
Il est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de la littérature d’oc moderne et contemporaine. Les chercheurs actuels lui doivent beaucoup et nombre d’entre ont eu la chance de réaliser leur thèse sous sa direction, c’est mon cas, par exemple, et j’en garde un excellent souvenir. Il y a également l’enseignant, dont le provençal était la langue d’enseignement : des cours de très haut niveau qui permettaient de réaliser à quel point notre littérature est universelle, riche, complexe… Je garde en mémoire ses cours sur la poésie de Max Philippe Delavouët grâce auxquels nous découvrions, ébahis, la force d’un texte lumineux. Je pense également à son ouverture, aux regards nouveaux, différents, qu’il propose sur la littérature en général et, notamment, la littérature française.
Puisque le prix de Ventabren est le seul prix, en Provence, qui honore un auteur en français et un auteur en langue d’oc, il est intéressant de citer le travail de Gardy sur les écrivains français et leur relation à la langue, son ouvrage « L’ombre de l’occitan » est un travail fondamental qui permet de mieux comprendre les forces à l’œuvre, dans l’ombre, notamment celles d’une langue refoulée, cachée, ou refusée, des forces souterraines qui contribuent largement au processus créatif.
Enfin n’oublions pas que Philippe Gardy est aussi un acteur de l’édition d’oc et qu’il a fondé, avec Jean-Paul Creissac et Jean-Claude Forêt les éditions Jorn qui publient régulièrement les poètes contemporains. Une histoire d’amitié et d’amour des mots qui a permis la publication de grands textes tels que l’œuvre poétique de Lafont, des sonnets de Manciet, ou récemment les inédits de Max Rouquette…
Et puis il y a l’écrivain. Je reprendrai d’ailleurs le titre qui avait été donné à un colloque consacré à sa poésie : « Lo poèta escondut ». Philippe Gardy a tellement écrit sur les autres, édité et mis en lumières les autrices et auteurs d’oc… sa propre écriture est restée souvent dans l’ombre. Et pourtant… Il écrit sans discontinuer depuis ses plus jeunes années, son premier recueil L’Ora de paciéncia a été publié dans la fameuse collection Messatges en 1965. Il s’en est suivi de nombreux recueils qui composent une œuvre ample et cohérente où se mêlent les instants vécus, les souvenirs, les mots des autres, les grands textes de la littérature d’oc, mais aussi des lieux familiers, des amitiés fortes, des fulgurances, des images puissantes où le réel prend des aspects fantastiques, fascinants, parfois effrayants mais toujours étonnants, inattendus… La poésie de Philippe Gardy se caractérise par l’art de la brièveté, la force d’un vers court mais dense et un certain regard, un regard de biais, original, nouveau. Il n’est jamais question de pittoresque, rien ne correspond aux clichés habituels du « sud »… Ce regard serait plutôt celui d’un photographe qui joue sur les angles et réussit à capter les nuances d’une lumière ténue, toujours en décalage mais justement, au plus près de la force du moment capté. Gardy dit qu’il écrit par « jaillissement », qu’il laisse sa poésie exploser sur la page et qu’il peut rester ensuite longtemps sans écrire, avant de nouvelles émergences. Nul doute que la poésie le travaille sans cesse, comme une eau enfouie qui remonte en surface lors d’un orage cévenol. L’image de l’eau tombe bien à propos = le poète Gardy emmène son lecteur dans les profondeurs d’une mer fantasmatique avec ses Dançars dau pofre où dans l’eau impénétrable de la noyade dans A la negada… Il trouve les mots qui disent la sève d’un figuier dans la Dicha de la figuiera et réussit à décrire la croissance de l’arbre dans un long texte noueux et ombrageux tel un vieux figuier méditerranéen. Il nous emmène aussi dans les lieux qu’il affectionne à travers le triptyque : Nimesencas, Montpelhierencas e Medoquinas où l’exploration de l’espace, de la langue, du temps redessine les contours de notre rapport au monde. Autre aspect essentiel de son écriture : elle ne se regarde pas « l’emboliga »… elle n’utilise presque jamais la première personne. Une écriture humble et puissante donc, comme on en rencontre rarement. D’ailleurs l’amitié est omniprésente, elle s’oppose à la solitude et aux angoisses du vide, à la fuite du temps. Il faut, par exemple, évoquer le magnifique recueil Dins un cèu talhant de blau où l’autre, le rapport à l’autre, le moment partagé, parfois anodin est source du poème. Il ne faut pas oublier, non plus, la prose courte, notamment le recueil L’astronòm inagotable qui réunit des proses fantastiques dans lesquelles l’ironie émerge avec justesse et inventivité. Le monde tel que nous le percevons nous joue des tours, et Philippe Gardy se plaît à nous le rappeler, sans cesse… La langue d’oc devient ainsi langue de cauchemar et de rêve, paysage vertigineux, immensité du ciel où s’élancent des arbres démesurés, pays d’enfance et territoire inconnu, naissance d’une graine de figuier, contre toute attente, au recoin d’une muraille de pierre sèche… Mouvements de tentacules du poulpe au fond de la calanque, odeur entêtante d’une imprimerie de Nîmes, mirage d’un été qui n’en finit plus… découverte d’un poème inédit de Bellaud de la Bellaudière avant son effacement définitif…. Quête inexorable des mots éparpillés tels un archipel…
Mais j’en ai déjà trop dit et je laisse la place au poète, dans sa langue « choisie »… par le truchement de Philippe Martel.
Le texte de Philippe Gardy, lu par Philippe Martel
Çò mai dificile, se ditz, es de començar. Sabètz pas ont siatz, nimai ont anatz. E mai d’un còp, vos arrestatz, pres de muditge e de paur, saique d’esfrai… Partirai donc de quicòm d’a pauc pres segur, e que i siáu per ren: Prèmi literari de Provença. De prèmis, n’ai a pauc pres jamai recebuts. Dos, crise ben, e i a bèu temps. Un temps qu’ère joine encara, e qu’aviáu, benlèu, quauquei rasons de creire en de causas, ò de causòtas.
Provençau, o siáu pas de familha, ò d’origina. En Provença ai pas jamais demorat, alevat quauquei nuechs a l’azard dei viatges. E la vida m’a pas menat a l’idèa de m’i establir. Aquí benlèu la contradiccion majora : es pasmens en provençau, enfin, un provençau un pauc singulier, qu’ai causit de parlar e d’escriure, e aquò sens m’interrogar sus lei rasons possiblas d’aquela causida. Esitère pas. E pasmens…
E pasmens, donc. Dins aquò, tot es pas estat que, coma se ditz en francés, concors de circonstàncias. Que nascut en Borgonha, demorave a la debuta deis ans 1960 a Nimes, ont mei gents venián de s’establir. Qu’au licèu per lei dròlles, aviáu coma professor de francés e de latin quauqu’un que se disiá Robert Lafont, qu’a costat dei cors obligatòris, èra l’animator estrambordat, e mai estrambordant, d’una oreta que se disiá d’« activitats dirigidas » e que son tema èra una iniciacion a l’occitan. Que mon paire me butèt a i participar, amb d’autreis escolans dau licèu, que totei, un pauc mai un pauc mens, sabián parlar la lenga. E que ieu, sens o saber, la coneissiáu adejà per bòna part. Que l’occitan, l’aviáu aprés, d’aurelha, dins ma familha mairala, ont passave cada an mei lònguei vacanças d’estiu (tres mes !) : mon grand, qu’èra d’Avairon, e ma grand, qu’èra gascona dei montanhas de la man de Sent Beath (Saint-Béat en francés), parlavan entre elei sovent, e lo vespre, quand venián lei vesins per charrar, la lenga de Montpelhièr. A Nimes, Lafont parlava provençau dins aquela ora de rescòntres e d’escambis, leis escolans tanben, una lenga « mesclada », entre lo nimesenc, lo cevenòu, e lei parlars de la vau de Ròse. E toteis aquelei varietats s’endevenián coma naturalament, aquò favorizat, pense, per lei tèxtes que legissiam : de poèmas de Teodòr Aubanèu, per exemple, de faulas dau poètas « nacionau » de Nimes, l’Antòni Bigòt, e tanben de pròsas d’un quasi vesin de la ciutat romana, que se disiá Max Roqueta, e qu’i reconeissiáu, auçat en bèla literatura, lo parlar de mei gents dau Clapàs.
S’espròve la necessitat de contar tot aquò en fasent un pauc d’alònguis, es pas tant per m’agachar dins un vielh mirau tenchurat de nostalgia, que par ensajar d’explicar la situacion mieuna a rapòrt dau provençau e de l’occitan en generau. Un lengatge mai ò mens eiretat, ausit tant a Montpelhièr, qu’èra alara, per de dire, un vilatjàs, qu’a Nimes, que n’èra un autre, de vilatge. Tot aquò, dins sa diversitat, circulava sens entramble, e mon gost per la literatura, e mai per la poesia tot bèu primier, m’ensenhava qu’aquela lenga viviá e que d’escrivans de tria ne’n sabián sortir de belòias esbleugissentas. Apondrai, per portar un pauc mai de complexitat dins l’afaire, qu’escolan dau licèu Anfós Daudet de Nimes, dau temps que legissiáu Aubanèu (en grafia alibertina, dicha « classica »), faguère la descuberta, ren qu’en traversant lo baloard per dintrar dins la « Maison de la presse », un libre de poesia en provençau, signat de Sully-André Peyre, Escriveto e la Roso, qu’èra escrich dins una autra grafia… Ne foguère estonat, mai l’estonament passat, me diguère que faliá pas s’escandalizar d’aquò, e veguère dins aquela diferéncia una rason de mai de ne’n demorar, per ieu, a un certan relativisme, e mai rasonable, que dempuei me’n siáu jamai vertadierament desseparat, dins aqueu domeni coma dins d’autres…
Amb aquò, deve dire que Provença, quina que ne’n siá la definicion, a jogat un ròtle important dins ma vida. Per lei rescòntres que me permetèt de faire. En amistat, ò ren qu’en proximitat mai ò mens luencha. Començarai per l’amistat. La de Jòrgi Reboul, primier. Aimave sa poesia sensa lo conéisser. Se rescontraviam de temps en autre e s’escriviam sovent. Tot joinet, aviáu fach una recension maladrecha de son recuelh de poèmas Chausida dins la revista Viure. Me legiguèt, e foguèt la començança d’une conversa liura e duberta. La d’un autre Jòrgi tanben, Gibelin : lei rescòntres de Grassa, que n’èra lo mèstre d’òbra, me foguèron un fogau viu e fruchós, qu’amb d’autreis amics s’i recampaviam entre lenga e cultura d’òc. Mençonarai encara Guiu Martin, que rescontrère au Comitat occitan d’estudis e d’accion e a la revista Viure : sa coneissença dei parlars de Provença, enjusca ai valadas italianas, m’espantèt. E Joan Ives Roier, rescontrat ai darriers Jocs florals de la llengua catalana en exili, a Marselha, en octòbre de 1967, que son òbra quitèt jamai de m’encantar, e uei encara mai (sei Memòri e raconte dins la cronica RibonRibanha). Deuriáu ben segur mençonar aicí lo nom de Robert Lafont, qu’ai prononciat en evocant mon escolaritat nimensenca : es eu que me faguèt conéisser Reboul e Guiu Martin, seis amics, e tant d’autrei personalitats de sa generacion, coma Marcèu Bonnet ò Carle Galtier per citar pas que dos noms. E deve pas oblidar Gerard Gouiran, rescontrat i a de temps en Ate a una escòla occitana d’estiu, que me foguèt un companh amistós e fidèu, especialament tot lo temps que donère de cors de literatura occitana a l’Universitat « Paul Valéry » de Montpelhièr. Me permetretz, per lo saludar especialament, de levar a son intencion un veiret de vin daurat de Jasnières. Sabe qu’eu m’auriá comprés.
Ma Provença culturala, me la bastiguère puei au fiu de la vida coma vai, entre d’autreis amistats (Joan Ives Casanova, Guiu Mathieu, Joan Maria Carlotti, Gerard Gouiran e d’autres) e lo temps qu’ai passat a cabussar dins l’espés d’una literatura provençala d’òc, au servici d’escrivans mau coneguts dei temps d’Ancian Regime, qu’entre elei me fau destriar Jean de Cabanes, qu’ai passat d’annadas nombrosas a ensajar de publicar amb l’ajuda de l’editor tolosan Letras d’Òc, una part de son òbra tant abondosa e diversa. D’aqueu temps, de Cabanes lo sestian, se’n parlava gaire. Maugrat Robert Ambard e lei dos Jouveau, Marius e Reinier, meis inspirators sus aqueu camin, demorèt dins l’ombra, e meis edicions e estudis faguèron mai ò mens fogassa. Alevat pasmens mon antologia de còntes provençaus, ela ben recebuda e espandida, amb l’ajuda pertinenta, biaissuda e testarda de mon editor, Charly-Yves Chaudoreillle, lo bastisseire d’Édisud, disparegut en febrier d’aquest an, e que me deve de saludar aicí son sovenir e son estrambòrd.
D’aquí, benlèu, ma volontat d’ajudar tanben leis escrivans d’ara e dei generacions d’avant la mieuna. Amb mon amic Joan Pau Creissac, alara vinhairon a Montpeirós, dins lei costieras entre Montpelhièr e lo Larzac, fonderiam en 1995 leis edicions de poesia Jorn, ont fogueriam lèu rejonchs per Joan Claudi Forêt, vengut s’establir a Montpelhièr. Bernat Manciet coma Robèrt Lafont, Joan Ives Royer coma JanLuc Sauvaigo ò Silvan Chabaud, Enric Espieux, Sèrgi Bec (per lei dos seis òbras poeticas dichas « completas »),Danièla Julien, comptan dins la tiera dei títols publicats en un trentenat d’ans. Lei darriers volums pareguts, entre 2024 e 2025, son una reedicion dau recuelh Li Desiranço de Marcèlo Drutel, e lei poesias ineditas de Max Rouquette, Leis Abelhas dau silenci. Provença, o podètz veire, i tèn sa bèla plaça, entre d’autrei poètas de totei lei país occitans.
Mai ai pron parlat e benlèu, de temps en autre, desparlat, quand es estat question de ieu mai que mai ! En començant, ai pausat quauquei questions a prepaus de mei ligams amb lo país de Provença que uèi me fai l’onor de m’aculhir e de me reconéisser. Siáu pas segur dei respònsas qu’ai pogut faire a aquelei questions. Lei causas, per ieu, e d’aquí per vosautrei totei, demòran, crese ben, puslèu neblosas, e mai escuras sus mai d’un ponch. Es ansin ! Tan pieg. Ò puslèu tan melhor, fin finala. Coma que n’ane, es en provençau qu’ai totjorn parlat, per exemple ensenhat a l’universitat, a Montpelhièr coma d’alhors a Bordèu ont ai demorat pron de temps. Es en provençau qu’ai ensajat d’escriure poèmas, pròsas cortetas, tèxtes de criticas e mai quauquei libres de reflexions sus la poesia d’òc dau sègle XX. Un provençau ont ai de temps en autre semenat, discretament, de granas ò de sòbras dei parlars qu’ai pogut conéisser dins mon temps d’enfança e de jovent, entre mei doas ciutats d’eleccion, Montpelhièr e Nimes. De parlars qu’ai pas vougut leis escafar de ma lenga, parlada coma escricha. Dau puzzle, còpacap ò rompetesta, coma voudretz, vene d’ensajar, penosament, de recampar quauqueis elements eteroclites. La resulta es pas un tablèu ben compausat, se’n manca. S’i coneis ni paisatge, ni retrach. Ren qu’una mescladissa, una michanta chichomèia, coma se ditz a Montpelhièr. Es sus aquela impression pasmens que vos vòle dire tota ma reconeissença, e mai en abséncia. Tot itinerari, es que seriá pas fin finala qu’una scèna un pauc mancada, qu’una pintura fosca e neblosa ?
E sus aquò, per la votz de Felip Martel mon trochamand fidèu, vos mande mon salut corau que non sai, de luenh ailàs !
Le texte de Philippe Gardy consacré à Sergi Bec
Sèrgi leberonenc
Serge du Lubéron/ loup garou (prix 2006)
Quand le premier poème est sorti
de toi et est venu poser ses mots sur le papier
Serge leberonenc
tu avais compris
sans y penser peut-être
Comme une évidence de soleil et de mer
qui te mène là où il veut
et t’y attache pour toute ta vie
Tu avais compris
Que le poème
ce n’est pas une construction
ni un objet patiemment dessiné
poli
lustré
Et qu’il ne peut être
rien d’autre qu’une explosion du dedans
maîtrisée, bien sûr,
et accompagnée jusqu’au moment où tout se tarit en elle
et se meurt
de cette mort éblouissante et noire qui dès le début
y était présente
Et qui l’avait porté comme un présent des Dieux
Et qui devait devenir poème
pour ne pas être une véritable mort
mais le feu brûlant de l’amour et du temps
Tirat de Dins un cèl talhant de blu : https://www.letrasdoc.org/fr/catalogue/dins-un-ceu-talhant-de-blau/